La trilogie du Zombie

La Nuit consacrée aux trois films tournés par Rob Zombie permet de faire entendre une des nouvelles voix du cinéma d’horreur américain, dont la cinéphilie et le post-modernisme revisitent avec brio les classiques du genre. Christophe Chabert

C’est un événement éphémère à ne pas rater. Une soirée à l’Institut Lumière (vendredi 19 décembre de 21h à 3 heures du matin) pour découvrir l’intégralité de l’œuvre de Rob Zombie : trois films tournés entre 2003 et 2007 par cet ancien chanteur de hard-rock au sein du groupe White Zombie. Événement car il s’agit de trois bons films, mais aussi parce qu’ils ont été distribués un peu n’importe comment en France (Halloween n’a eu droit qu’à des VF, The Devil’s rejects est sorti en plein été et La Maison des mille morts n’a jamais été projeté ailleurs qu’en festivals !). Séance de rattrapage sur grand écran obligatoire car si ce cinéma n’est pas de tout repos — il est même d’une violence parfois insoutenable — il s’inscrit avec une réelle pertinence dans le présent des images contemporaines et dessine une voie palpitante pour le cinéma d’horreur.La nuit au musée des horreurs
Tout commence en 2003 avec La Maison des mille morts (House of 1000 corpses). Quatre adolescents à tendance geek décident de faire un pèlerinage sur les lieux de faits-divers sanglants. En chemin, ils font un arrêt au musée des horreurs et des curiosités du Capitaine Spaulding, clown vieillissant aux dents jaunies et au rire tabagique, qui vend du poulet gras au milieu de bocaux de fœtus difformes. Celui-ci les oriente, après visite de son train fantôme personnel, vers une vieille ferme où une famille de psychopathes a transformé sa maison en labyrinthe de l’horreur, séquestrant, torturant et mutilant des innocents. Il y a quelque chose de touchant dans la manière avec laquelle Rob Zombie découvre son nouveau média avec ce premier essai. Le début frappe par sa tentation de l’hommage au deuxième degré et par son montage excentrique, fruit de l’influence manifeste du Tueurs nés d’Oliver Stone mais aussi d’un bricolage candide des effets sur Avid ou Final Cut. Ce n’est que dans sa dernière demi-heure que La Maison des mille morts devient vraiment passionnant, laissant présager la réussite des deux films suivants. Ce musée des horreurs n’est plus un musée de fantasmes cinéphiles regardés avec la distance de l’âge et de l’ironie (comme le fait le Capitaine Spaulding), mais une entité vivante qui fabrique des images fortes et originales, conduisant vers une authentique renaissance (la survivante sort de la terre couverte de sang comme d’un ventre fécond). Zombie a trouvé un style, un territoire et une famille (dont Chery Moon, compagne, muse et égérie, sera l’emblème ultra-sexuel) qu’il ne va pas tarder à magnifier.Le crépuscule de la morale
The Devil’s rejects est la suite directe de La Maison des mille morts, avec les mêmes personnages, plus un shérif brutal et peu sympathique. Mais le corpus de références a changé, et le ton potache du premier volet laisse place à une violence pas drôle et réellement dérangeante. Zombie choisit donc le road movie et le western comme horizons et Sam Peckinpah comme maître principal dans un film qui cite et compresse avec une intelligence redoutable les plus grandes scènes du cinéma de genre. Autant La Maison des mille morts avait encore le scrupule d’offrir au spectateur des portes d’identification positives (les fameux ados), autant The Devil’s rejects élève sa famille de tueurs au rang de héros mélancoliques et traqués. Renversement de perspective qui induit un basculement moral complet : du côté des monstres, la caméra de Rob Zombie filme leur crépuscule sanglant, menacés par un flic dévot et sadique incarnant le retour d’un ordre puritain. Derrière tout ça, il y a l’idée très personnelle que le mal est partout, et que tout précepte est réversible selon les circonstances.Le mal est partout
En s’attaquant au remake d’un film aussi parfait que le Halloween de John Carpenter, Rob Zombie ne pouvait que gravir une montagne infranchissable. L’intérêt paradoxal du résultat tient à ce que le cinéaste admet en permanence qu’il ne pourra pas faire mieux que son prédécesseur ; tout au plus apportera-t-il un regard complémentaire. Zombie développe donc ce qui n’était chez Carpenter qu’un trou béant : l’enfance de Michael Myers avant son crime et le moment où il se mure dans le silence, interné à l’hôpital psychiatrique. Idée gonflée : Myers devient une victime mélancolique de sa frustration et de ses instincts criminels. Le mal n’est plus absolu comme chez Carpenter, mais relatif comme dans les précédents films de Zombie. La deuxième moitié, qui reprend presque à l’identique le Halloween original, est évidemment moins stimulante. Mais en trois films, Zombie a démontré qu’il était ce cinéaste respectueux de ses pairs, amoureux du film de genre et désireux de l’élever à nouveau vers les (h)auteurs.Nuit Rob Zombie
À l’Institut Lumière, vendredi 19 décembre.

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