Mellano, l'homme de l'ombre

Musique / Aux côtés des plus grands (Miossec, Dominique A.) et des plus prometteurs (Psykick Lyrikah, Laetitia Shériff), à la barre de projets personnels, du ciné-concert à la musique contemporaine, Olivier Mellano est une figure discrète et centrale du rock français. Christophe Chabert

Peu de gens connaissent le nom d’Olivier Mellano. Cette affirmation simple et avérée est déjà un petit scandale tant il est impossible, pour qui aime un tant soi peu la musique, de l’avoir croisé sur une pochette de disque. Mais Mellano est de ces personnages qui se glissent partout, apparaissant là où on ne les attend pas, s’activant sur tous les fronts, pour lui comme pour les autres, cheville ouvrière d’un rock français qui a élevé la curiosité au rang de profession de foi. À son arrivée à Rennes à la fin des années 80, il fait partie des créateurs du label Rrose Sélavy (d’après le pseudo de Marcel Duchamp, Julien Doré n’a donc rien inventé !), emblématique du bouillonnement créatif qui s’empare de la scène musicale indépendante à l’époque, à l’Ouest tout particulièrement.À l’arrière des Berlines
S’il possède une formation de violoniste classique, c’est surtout la guitare, qu’il apprend seul en écoutant les groupes new-wave du moment, qui va lui mettre le pied à l’étrier musical. «Le fait de jouer sur des disques dans ma chambre m’a donné la vraie base», commente-t-il. Alors qu’il anime des groupes qu’il qualifie lui-même de «confidentiels», Olivier Mellano va faire une rencontre décisive avec Christophe Miossec. Alors en quête d’un groupe pour partir en tournée, il recrute Mellano comme violoniste ; mais celui-ci va en cours de route jongler entre ces deux instruments de prédilection. Les règles tacites de ses futures collaborations sont posées : avoir cet espace créatif qui l’autorisera à ne pas être seulement membre d’un backing band anonyme, mais aussi développer une énergie et une réelle complicité avec ceux qu’il accompagne. Il y a ainsi un son Mellano, que l’on retrouve sur des albums aussi différents que Remué, le chef-d’œuvre de Dominique A., ou Acte, deuxième disque de Psykick Lyrikah, où le rappeur Arm pose son flow sur la guitare stridente de Mellano. C’est dans le même esprit que s’est entamée, depuis deux albums, son travail avec Lætitia Shériff (et le batteur Gaël Desbois) : sur scène, le trio fonctionne comme une entité soudée, et si la demoiselle reste maître des textes et des compositions, on sent que l’alchimie se construit au contact de ses deux acolytes. On pourrait ajouter des noms prestigieux à la liste : Katerine (notamment pour ses petits films hilarants tournés au Texas l’été dernier), Bed, Françoiz Breut, Yann Tiersen… «Ce n’est pas un travail de requin», commente Mellano, «il y a vraiment l’idée de monter un groupe, même si c’est pour un seul album. Peut-être que le fait d’éprouver tous ces types de musiques différentes fait que j’identifie plus ce vers quoi j’ai envie d’aller. Cela fait ressortir une identité qui se précise en se frottant à tous ces mondes musicaux.»Territoires musicaux
Cette identité, cependant, reste multiple. Il y a, dans la carte musicale que dessine Olivier Mellano, des territoires et des frontières. Premier territoire : les ciné-concerts. Mellano a, souvent à la demande de festivals ou de théâtres, illustré seul à la guitare des films aussi divers que L’Aurore de Murnau, Buffet froid de Blier ou Duel de Spielberg. Autre territoire important : Mobiil, «son» groupe (toujours avec Gaël Desbois), sorte d’électro-rock nerveuse et engagée, aussi rude d’abord que séduisante quand on y déverse ses humeurs (le refrain «J’aime la merde en boîte», inoxydable, en est la meilleure preuve). Puis viennent les frontières, que Mellano définit comme jumelles : l’écriture pure et l’improvisation pure. Concernant l’écriture, son manifeste est l’étonnante Chair des anges, où il se transforme en compositeur de musique contemporaine pour voix et cordes. Le résultat est évidemment déroutant pour l’auditeur habitué aux distorsions du guitariste : «C’est un endroit où je ne suis jamais allé avant et c’est celui où je suis allé le plus loin. Mais c’est aussi le cœur de tous les autres projets, celui où je suis entièrement moi et entièrement seul, sans aucun autre paramètre, ni cinéma, ni collaboration. C’est la chose la plus centrale pour moi.» la carte Mellano est en perpétuelle expansion : à Oullins, entre son ciné-concert et celui de Psykick Lyricah, il sera en résidence avec le metteur en scène David Gauchard pour une future création… théâtrale ! Un Richard III rock et rap, en live, en scène et en vidéo ; une nouvelle expérience excitante pour ce passeur de musique et d’idées toujours en mouvement.

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