The Square

Cinéma / Adultère, vol, meurtres : un programme classique pour un polar prenant venu d’Australie, dont la mise en scène éthérée révèle un cinéaste à suivre, Nash Edgerton. Christophe Chabert

Un homme et une femme baisent dans une voiture sous un pont. Témoins de cette liaison qu’on devine adultère, deux clébards derrière la vitre de la voiture d’en face. Pas de musique, juste la rumeur sourde d’un bled australien, à mi-chemin entre l’urbanité et la ruralité. Un bout du monde comme il y en a partout, pour une histoire qu’on nous a déjà racontée : il trompe sa femme avec elle qui trompe son mari et, pour pouvoir échapper à leur mariage respectif, il leur faut de l’argent, beaucoup d’argent. La différence d’âge (elle jeune, lui vieillissant), mais aussi de caractère (elle rayonnante, lui taciturne) frappe comme un laïus annonçant que rien ne va se passer comme prévu. Effectivement, dans ce polar qui ne tourne pas rond (le «carré» du titre est plutôt un cercle infernal), ce sont les petites différences introduites par le prometteur Nash Edgerton qui pimentent une trame au demeurant classique.Polar au carré
Construit sur l’escalier criminel inventé par Hitchcock dans Psychose (adultère, larcin, accident et finalement homicide), The Square invente des coursives narratives tortueuses qui finissent par se rejoindre tragiquement, sans pour autant tomber dans la manipulation scénaristique. Une des forces du film est qu’aucun meurtre n’y est vraiment prémédité, mais comme annoncé par l’ambiance de corruption généralisée qui s’infiltre dans chaque séquence. Pots-de-vin, chantages et abus de pouvoir ont investi un paysage en chantier permanent, où l’on enterre sans sourciller ses méfaits sous des dalles de béton. La mise en scène d’Edgerton capte cette menace quotidienne, dans des plans qui privilégient la durée sur le spectacle, l’atmosphère plutôt que l’action. Les éclats de violence n’en sont que plus terribles : le cinéaste les filme comme des abcès crevés, dans un grand écart qui relierait en un pipeline référentiel les Coen de Blood simple et ceux de No country for old men. D’ailleurs, The Square s’offre un ultime récit souterrain assez épatant à travers la destinée des deux chiens du départ : comme leurs maîtres humains, ils passent leur temps à essayer de se rejoindre en traversant les obstacles (maison brûlée, rivière boueuse), mais leur destin sera tout aussi cruel et ironique. Le film l’annonce très tôt, comme un avertissement aux spectateurs : amateurs de happy end, vous voilà dans le noir jusqu’au cou !The Square
de Nash Edgerton (Australie, 1h45) avec David Roberts, Claire Van Der Boom, Joel Edgerton…

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