Entre DAF et Daft

Pierrick Monnereau, alias A.N.I., violoniste de formation classique lassé des structures musicales complexes, met son masque d'A.N.I. et fait de l'électro ultra-récréative et immédiate. Antoine Allegre

Tout commence sur un léger moment d'incompréhension. Dans le cadre des derniers plateaux pop Dandelyon, un drôle d'artiste inscrit son nom au casting. Loin des schémas folk et volutes rock, quelques têtes hochent au rythme du live d'A.N.I., condensé d'électro sensible et intelligemment dancefloor d'une rare efficacité émotionnelle. Passablement intrigué par ses histoires de robot raté et un peu débile, il convient de s'intéresser au pedigree de l'animal. Derrière l'avatar A.N.I. (diminutif d'Artifical Non Intelligence) se cache un garçon de 23 ans : Pierrick, timide comme une cohorte de bénédictines et affable comme tout. Diplômé de l'Ecole Nationale de Musique de Villeurbanne depuis trois ans, il jouait du violon depuis son cinquième anniversaire. Un musicien, un vrai, un tatoué qui maîtrise l'harmonie classique et romantique mais qui avoue avoir originellement vibré "sur la musique traditionnelle irlandaise. Une musique aux motifs très répétitifs, proche de l'électro". Adolescent jouisseur de rock progressif et bruitiste, l'enfant de la campagne découvre la musique électronique sur les "boomers" et autres voitures "tunnées" à mort. "J'ai eu la chance d'avoir un grand frère qui m'a fait découvrir le label Warp. Je suis parti dans cette direction jusqu'à la fin du lycée. Ça m'amusait énormément de faire cette électro cérébrale, j'y passais des heures sur mon ordinateur". Son bac en poche, l'ex-collègien un peu "baboss" et gentiment "dreadeux" embraye sur la faculté de musicologie et fait de la musique électro acoustique. Ce qui ne l'empêche pas de participer à des aventures de groupe dont une formation jazz-manouche. Et puis le déclic : "Il y a deux ans, j'ai réalisé que je n'avais pas la volonté de monter un projet qui m'appartienne. J'ai donc pris un gros virage". Il crée quasiment coup sur coup trois groupes : Barbi O'Connor, Nickel Pressing et pour finir A.N.I. "J'ai eu besoin de minimalisme en règle générale. Je me suis donc fait une cure de tubes de tous âges" confie-t-il. "Le postulat de départ d'A.N.I. ? Faire des tubes. Mais c'est dur. Alors j'ai préféré vivre l'expérience pleinement. En prenant de la distance, je trouve ça drôle. Je reste sur la brèche et je frôle le ridicule avec classe".S'amuser à faire les choses sérieusement
Il imagine son personnage de robot ("c'est original, non ?" constate-t-il de lui-même) comme le fruit d'une expérience de chercheurs qui auraient réussi à créer la puce de non-intelligence, "un robot suffisamment débile pour que les gens puissent s'apitoyer sur lui. C'est très romantique comme postulat, ça se vit, ça se ressent beaucoup plus que ça pense". Oui. Mais ça se danse également. Ces morceaux très attachés à la narration et au schéma pop axés vers la piste de danse possèdent un charme fou et des passages harmoniques qui soulèvent le cœur, volutes nées d'une envie "d'avoir un public qui vibre un peu". Prompt à réhabiliter le quart d'heure américain en soirée, A.N.I. s'empare parfois du microphone pour chanter. "Si tu veux faire des tubes, il faut chanter. Le souci c'est que je chante très mal ! Mais c'est fait dans une optique post-punk, un peu à l'arrache" s'amuse-t-il. A.N.I. tient à rassurer son interlocuteur : "Je m'amuse à faire quelque chose de sérieux". "Quand tu évolues dans un milieu où ça se masturbe allègrement le cerveau, à un moment, tu n'as plus envie de rentrer dans une logique de progrès. C'est pour ça que j'ai arrêté d'écouter de l'Intelligent Dance Music… Un terme excessivement prétentieux d'ailleurs. Squarepusher et ses breaks, Aphex Twin et son trop chargé album Druqs se sont perdus dans cette intelligence". Que les choses soient claires, on ne reprendra plus Pierrick à se tortiller l'encéphale sur des structures électroniques complexes et autres saccades de mélodies bidouillées. Son truc c'est faire danser les happy-fews, pleurer les filles et faire que DAF puisse emballer les Daft Punk près des vestiaires du club. Et c'est plutôt une bonne nouvelle pour les jambes nécessiteuses de dance music.

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