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Fais dodo caca mon bébé

Théâtre / En re-création, On purge bébé s’autorise un ravalement de façade et un coup de jeune pour prouver que Feydeau n’a pas sombré dans la naphtaline du théâtre de grand-mère. Nadja Pobel

Le metteur en scène Laurent Brethome dit de son décor qu’il est «clean façon Ikéa». Certes il y a bien deux, trois chaises repérées dans le catalogue mais elles jonchent le sol et sont amputées de leurs pieds ou de leurs barreaux. Le curseur du dérèglement est là : haut placé. Ça commence comme un Feydeau, diction bien articulée et mise en place de l’intrigue trop simple pour être vraiment passionnante : M. Follavoine attend M. Chouilloux avec qui il espère bien signer le contrat de sa vie en vendant à l’armée française des pots de chambre en porcelaine soi-disant incassables.

Rien n’aspire à la tranquillité dans un décor bancal et instable. Les portes sont présentes pour être claquées mais elles ne se referment sur rien, éparpillées qu’elles sont sur scène, tenant juste sur un portique métallique. Mme Follavoine perturbe ce rendez-vous d’affaire accoutrée dans ses dessous de satin et obsédée de voir son fils enfin avaler une purge. Passées les vingt premières minutes rappelant que Feydeau sans fantaisie serait ennuyeux, le spectacle s’accélère. L'élocution se fait plus rapide, les portes font des tours sur elles-mêmes et les personnages s’échauffent.

Retour à la farce

L’escalade de l’absurdité ne s’arrêtera pas. Et le plus déglingué n’est pas forcément celui que l’on croit. Brethome fait incarner le fils de 7 ans par un acteur trentenaire, petit, et tout simplement génial. Yann Garnier devient ce monstre désobéissant et infernal qui terrifie ses parents et redouble de courroux pour ne pas absorber cette purge. Insaisissable, il se faufile dans le moindre espace pour l’habiter, à la façon d’un basketteur taille skinny qui dribblerait entre les jambes de ses adversaires pour mieux toucher le panier. Mais c’est la mère, acharnée, névrosée, dégoulinante d’un amour malsain pour cet enfant qui est le nœud du cauchemar de Feydeau : une fois encore la petite bourgeoisie se prend les pieds dans le tapis de la bonne image qu’elle cherche à renvoyer, elle s'atrophie, s'étouffe dans son étroitesse d'esprit.

Il n'y a plus de contrat mirobolant mais un couple qui n’essaye même plus de sauver les apparences. C’est certainement parce que Feydeau entraîne ses personnages dans les abîmes de l’avilissement que Brethome peut s’amuser à torpiller les codes du classique pour terminer sur un final qui ose tout et qui affirme haut et fort que tout ceci n’est qu’une farce, un vaste jeu voire du cirque avec un auguste clown blanc et un mime hilarant. 

On purge bébé
Au Théâtre de Villefranche, mercredi 25 février.
Au Théâtre de la Croix-Rousse, du 26 au 28 février.
Au Théâtre Jean Vilar, mardi 3 mars.

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