Forman only

Jean Douchet vient présenter ce week-end à l’Institut Lumière quatre films de Milos Forman, cinéaste caméléon dont les quarante ans de carrière l’ont vu passer de la nouvelle vague tchèque aux biopics hollywoodiens. Christophe Chabert

Combien de cinéphiles placeraient Milos Forman dans le peloton de tête de leurs cinéastes préférés ? Pas beaucoup, assurément… En revanche, il n’est pas rare de trouver ses films dans le panthéon personnel des spectateurs : Vol au-dessus d’un nid de coucou et Amadeus en premier, mais Man on the moon et son adaptation de Hair pas loin derrière. De fait, il y a plusieurs périodes chez Milos Forman, et comme le cinéaste n’y développe jamais d’effets de signature spectaculaires, il est parfois difficile de les faire dialoguer entre eux. Ses premiers pas se font dans son pays d’origine, avec le développement de la nouvelle vague tchèque. Les Amours d’une blonde (1965) montre une petite ville où il y a «16 femmes pour un homme», toutes ouvrières dans une usine de textiles. Lorsqu’une garnison militaire s’installe dans la bourgade, le contremaître voit l’occasion de satisfaire le désir contrarié de ses jeunes employées. Mais ce sont en fait des «vieux» plantons qui arrivent. Le film est raconté, avec une grande liberté de ton et des incartades érotiques défiant la censure de l’époque, du point de vue de la plus jolie des ouvrières, naïve et finalement abusée par un pianiste de bar vivant à Prague chez ses parents. Forman ira encore plus loin avec son film suivant, le dernier tourné en Tchécoslovaquie, Au feu les pompiers, qui provoque le scandale et le force à l’exil aux États-Unis.Wolfgang, Larry, Andy…
En Amérique, il connaîtra une gloire durable, avec en point d’orgue le triomphe d’Amadeus (1984). Un film effectivement génial, biographie très libre d’un Mozart décadent, fin provisoire d’une série de films où la musique tient une place prépondérante, mais premier d’une série de biopics très réussis. Larry Flint (1997), portrait d’un empereur subversif du porno américain, et Man on the moon (2000), évocation du comique situationniste Andy Kaufman, ont en commun les mêmes scénaristes, Scott Alexander et Larry Karaszewski, qui ont fait du genre leur chasse gardée (ils ont aussi écrit Ed Wood). Mais Forman arrive à donner une singularité à chaque sujet, par-delà des structures presque identiques : là où Larry Flint exploite avec opportunisme son statut de pestiféré pour devenir une icône, Kaufman effectue le chemin inverse, acteur populaire choisissant de dérouter son public en s’inventant des alter ego de plus en plus odieux. Des personnages ambivalents, insaisissables, qui conservent leur mystère et bousculent, bon gré mal gré, l’ordre établi. Depuis ses années tchèques, Forman a gardé son esprit sainement libertaire…Week-end Milos Forman
À l’Institut Lumière, vendredi 6 et samedi 7 mars.

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