Welcome

Une nouvelle fois, Philippe Lioret nous touche en plein cœur, à la grâce d’une foi cinématographique totale en son sujet. François Cau

Mea maxima culpa : on était un tantinet défiant en entrant dans la salle. Bon, déjà, le synopsis nous semblait hautement improbable (un prof de natation calaisien, en un geste désespéré pour reconquérir son ex-épouse, prend sous son aile un jeune clandestin kurde désirant traverser la Manche à la nage). Ensuite, la collaboration scénaristique d’Olivier Adam nous échaudait un peu : dans son roman À l’abri de rien, ce dernier nous dépeignait déjà les rapports des habitants de Calais avec les sans-papiers, sous le joug d’une vigueur émotionnelle pas toujours canalisée. Enfin, après le drame poignant Je vais bien, ne t’en fais pas, on imaginait mal Philippe Lioret revenir sans encombre aux problématiques sociales de ses débuts, qui plus est sur un sujet d’actualité aussi brûlant, sans tomber dans le misérabilisme ou la dénonciation à la truelle. Heureusement, dès les premières scènes, le metteur en scène nous fait rougir de honte de cumuler autant d’a priori. Sa glaçante description des conditions de voyage des clandestins nous immerge derechef dans le récit, le glissement narratif vers le personnage principal (Vincent Lindon, tout simplement extraordinaire) s’opère sans trouble, mais au contraire avec une évidence jamais démentie. Effets de Manche
C’est là tout le mérite de Welcome : Philippe Lioret n’oublie jamais, en dépit du poids imposant de son contexte social, qu’il fait du cinéma. Comme à son habitude, ses personnages sont fouillés, leurs motivations contradictoires servent de matrice émotionnelle au récit avec une troublante acuité, et la réalisation colle au plus près de leurs doutes pour mieux déflorer, avec une précision d’orfèvre, leur bouleversante humanité. Non content d’être un directeur d’acteurs hors pair, Philippe Lioret est également un véritable maestro de la construction dramatique : en repensant au déroulé du film, on se dit qu’il n’est pas exempt de certaines facilités scénaristiques, qui auraient facilement pu être dommageables si le réalisateur n’avait ce talent insensé pour faire se correspondre les séquences avec autant de pertinence. Il en va notamment ainsi du fond politique du film : sans entrer dans le commentaire discursif, Lioret nous décrit une situation dont la seule réalité, transposée cinématographiquement par petites touches graduellement envahissantes, suffit à réveiller la conscience du spectateur. De ce fait, Welcome est un film témoin des pires errances de son époque, mais c’est avant tout un mélodrame puissant, un vrai et beau film de cinéma. Welcome
De Philippe Lioret (Fr, 1h50) avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi…

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