Ponyo sur la falaise

Cinéma / Après un Château ambulant spectaculaire mais gratuitement sophistiqué, Hayao Miyazaki retrouve une ligne claire avec ce film pour tous les publics, récit d’apprentissage aux accents cosmiques et wagnériens, dans la lignée de Chihiro et Totoro. Christophe Chabert

Trait naïf, dialogues rares, couleurs primaires : l’ouverture de Ponyo sur la falaise clame haut et fort le retour d’Hayao Miyazaki à la simplicité. À mille lieux sous les mers, un homme amphibie, mi-commandant de bateau, mi-chef d’orchestre, règne sur un petit peuple aquatique de poissons somptueux et de créatures étranges, communauté réunie dans un sous-marin surpeuplé qui s’apprête à revenir à la surface. En démarrant son film par l’invention de sa mythologie, avant de la confronter avec la réalité terrestre d’un petit village côtier où vit une infirmière qui attend le retour de son marin de mari en compagnie de leur jeune fils, Miyazaki inverse les termes habituels de son cinéma. Dans Le Voyage de Chihiro ou dans Mon Voisin Totoro, les humains découvraient un autre monde enchanté et effrayant ; ici, c’est ce monde qui va à la rencontre du grand autre, à travers la figure de Ponyo, petit animal étrange qui, une goutte de sang humain absorbé, grandit et se transforme en petite fille.La Chevauchée des Mérous
En filigrane, on retrouve donc le goût des parcours initiatiques et les grandes orgues écologiques du maître. Mais Ponyo sur la falaise est avant tout, notamment dans sa première partie, une somptueuse symphonie où les contraires s’harmonisent jusqu’à une extase grisante. Démarré dans les limbes aquatiques, le film se poursuit dans ce bout du monde qui n’est pas que métaphorique : on y vit (et Miuyazaki décrit avec tendresse le quotidien de cette mère et de son fils) et on y meurt aussi, puisque l’action se déroule en partie dans un hospice pour vieilles dames infirmes. L’arrivée de Ponyo va donc bouleverser ce morne équilibre, d’abord au sens strict avec le morceau de bravoure du film, une tempête apocalyptique soulevant des vagues de poissons noirs que Ponyo chevauche telle une Walkyrie des mérous. Correspondance wagnérienne assumée à 100% par le film, puisque même la musique de Joe Hisaishi s’amuse à pasticher les hits du compositeur allemand. La marée retombée, le film ne redescend que très peu, entre bulle sous-marine rendant leur vigueur aux mamies grabataires et apparition féerique de la mère diaphane de Ponyo, une des plus belles figures jamais inventées par Miyazaki. Sans jamais rien renier de ses chefs-d’œuvre précédents mais en laissant de côté la complexité narrative du Château ambulant, le cinéaste japonais retrouve ici le goût des récits linéaires au propos ambitieux qui en ont fait un des princes de l’animation mondiale.Ponyo sur la falaise
De Hayao Miyazaki (Japon, 1h55) animation.

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