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Au sommet du relief

Cinéma / Le développement de la 3D sur les écrans de cinéma ouvre-t-il une nouvelle frontière esthétique ou renvoie-t-il aux origines foraines d’une industrie en quête de surenchère ? Quelques tentatives de réponse au moment de la sortie de Coraline. Christophe Chabert

À l’origine était le numérique. Doublé sur sa gauche par le DVD, support pratique et peu onéreux, puis par l’apparition de la haute définition «domestique», et enfin par le téléchargement, légal ou illégal, l’industrie cinématographique a tardivement enclenché l’alerte rouge. Adoptant l’outil qui leur mangeait la laine sur le dos, producteurs et distributeurs s’entendirent pour passer à leur tour au numérique, tournant et projetant les films en HD, supprimant ainsi certaines étapes coûteuses et facilitant ensuite leur exploitation sur les media concurrents de la salle de cinéma. Mais le risque était justement de perdre la spécificité du grand écran sur les petits (plus si petits que ça, parfois). La surenchère par le spectacle touchant aussi ses limites, un petit malin est allé déterrer une idée née dans les années 50, que le cinéma traîna comme un boulet jusqu’aux années 80 avant de l’abandonner pour cause de ringardise, laissant le monopole aux dômes style Géode : le cinéma en relief (ou en 3D). Le numérique permet de simplifier et surtout d’optimiser le procédé (deux caméras sont toujours nécessaires pour les tournages en prises de vue réelles, mais leur «synchronisation» se fait en un seul clic), et les productions animées et en motion capture (où des acteurs jouent les scènes sur fond vert, avant d’être redessinés entièrement en images de synthèse) se prêtent particulièrement à l’exercice.

La 3D, pour quoi faire ?

D’abord balbutiante, la technique a désormais pris de l’assurance. Les lunettes en carton que l’on pouvait fabriquer avec de vieux protège-cahiers fluo ont laissé la place à des modèles profilés et pensés pour le confort des spectateurs (y compris ceux qui portent déjà… des lunettes) ; innovation surprise à l’ouverture du festival de Cannes, on a même réussi à y inclure des sous-titres pour ceux qui, friands d’innovation technologique, restent intransigeants sur la version originale. Les catalogues de films se sont eux aussi diversifiés : un film d’héroïc-fantasy adulte (Beowulf) côtoie un produit d’animation grand public (Volt), un documentaire scientifique (Fly me to the moon), un film-concert (U2 3D) ou un film d’horreur ado (Meurtres à la Saint-Valentin). La suite s’annonce tout aussi variée : Pixar (Là-haut), Cameron (Avatar), Burton (Alice in wonderland) et même Soderbergh (Cléopâtre) vont s’y mettre. Tout cela est bien joli, mais dans le fond, à quoi ça sert, la 3D ? Car si le cinéma, dès ses origines, a cherché à jouer avec les limites de l’écran (les premiers spectateurs de L’Arrivée du train en gare de La Ciotat croyaient que ledit train leur fonçait dessus !), la plupart des inventions technologiques cherchant à impressionner le public ont finalement été transcendées par des cinéastes révolutionnaires pour enrichir la grammaire cinématographique et les modes de narration.

L’esprit de la profondeur

Sur cette base, un constat s’impose déjà : un mauvais film en 2D n’est pas meilleur en 3D. Monstres contre Aliens, nanar Dreamworks, en faisait la démonstration fatale : son humour régressif n’était pas sauvé par le fait que le spectateur se recevait des balles de jokari en pleine tronche, son scénario rachitique et ses dialogues poussifs paraissaient encore plus étriqués une fois paumés dans cette débauche d’effets épuisants. À l’inverse, La Légende de Beowulf signé Robert Zemeckis, pionnier du genre car fondamentalement travaillé par l’idée de la chair cinématographique comme hologramme du réel, était avant tout un excellent film en 2D, solidement écrit et intelligemment réalisé. En fait, la 3D remet au goût du jour un principe esthétique vieux comme La Règle du jeu : la profondeur de champ. Alors que des cinéastes comme Tony Scott cherchent depuis dix ans à aplatir l’image à coups de focales longues, puis à redéfinir l’espace par le montage et les mouvements de caméra, le choix du relief oblige les créateurs à concevoir l’action sur plusieurs plans nets et autonomes mais réunis en un seul champ de vision. En gros, il faut creuser l’écran et pas forcément le crever pour donner sa pleine mesure à l’effet 3D. Coraline d’Henry Selick a non seulement la malice de pousser très loin cette idée, mais aussi d’en faire le sujet même du film : le tunnel qui relie le monde réel à son avatar imaginaire représente cette troisième dimension de l’image, source de féerie mais aussi de cauchemar, où la banalité décevante de la réalité est rejouée sur un mode extraordinaire. En cela, ce beau film est sûrement le premier à faire de la 3D une philosophie autant qu’une esthétique, une matière à penser autant qu’un gadget. On pourra vérifier, d’ici la fin de l’année, si cette matrice-là a engendré d’autres brillants rejetons…

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