L'Imaginarium du Docteur Parnassus

Critique / Il ne faut jamais parier sa tête avec le Diable… Pour avoir oublié cette maxime fellinienne, le Docteur Parnassus, qui autrefois faisait tourner le monde en en racontant le grand récit universel, est devenu un vieux camelot à la tête d’un théâtre ambulant anachronique. Et c’est maintenant sa fille, Valentina, qui à l’approche de ses seize ans risque de finir dans l’escarcelle du malin. Ce petit cirque brinquebalant va croiser la route de Tony, escroc sauvé de la mort alors qu’il était pendu sous un pont ; le bel intrigant va trouver dans cet imaginarium un endroit idéal pour fuir son passé. Comme d’habitude chez Terry Gilliam, le pitch du film est prétexte à tous les délires baroques, notamment quand Tony pénètre de l’autre côté du miroir, changeant de visage (idée inventée par l’auteur pour terminer un tournage brisé par la mort de Heath Ledger ; Jude Law, Colin Farrell et Johnny Depp viennent donc jouer les doublures de luxe…) et arpentant des mondes visuellement déments. Mais ce n’est pas cela qui séduit le plus dans le film — son abus de fond vert est même un péché coupable. En recentrant (contraint et forcé ?) son histoire autour du docteur Parnassus, Gilliam propose un étonnant autoportrait, ainsi qu’une relecture malicieuse de son œuvre : qu’y a-t-il dans la tête de Parnassus ? Des bobbys en jupe qui font une comédie musicale, un jeu vidéo dégoulinant et obscène, une mare cauchemardesque de canettes de bière, une datcha tenue par une matrone gigantesque… Ce sont donc tous les films du cinéaste, de sa période Monty Python jusqu’aux frères Grimm en passant par Brazil, qui refont un petit tour sur l’écran. Quant à la destinée de Parnassus, elle rejoue sur un mode allégorique la lutte de Gilliam contre Hollywood. Avec lucidité, le cinéaste confesse qu’il s’est fait berner par ce Satan séduisant, mais qu’il n’abdique pas pour autant : même réduit à tirer des cordelettes, il continuera, vaille que vaille, à raconter ses histoires.

CC 

L’Imaginarium du Docteur Parnassus
De Terry Gilliam (Ang-Canada, 2h02) avec Heath Ledger, Christopher Plummer, Tom Waits…

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