Jeudi 21 octobre 2021 Après L'Arbre-monde, prix Pulitzer 2019, qui marqua un tournant dans une oeuvre qui mêle érudition scientifique et puissance poétique de la fiction, l'Américain Richard Powers, de passage à Mode d'emploi le 29 octobre, revient avec Sidérations. Dans...
La Route
Par Christophe Chabert
Publié Jeudi 26 novembre 2009 - 4836 lectures
John Hillcoat réussit une transposition fidèle, mais pas forcément payante, du roman de Cormac MacCarthy : une parabole épurée sur la transmission. CC
Ceux, nombreux, qui ont lu La Route de Cormac MacCarthy et ceux, à peu près aussi nombreux, qui l’ont aimé, attendaient avec impatience son adaptation à l’écran. Qu’on les rassure : les choses ont été faites dans les règles. Un cinéaste australien talentueux derrière la caméra (John Hillcoat auteur de Ghosts of the civil dead et du formidable western The Proposition), le grand Viggo Mortensen dans le rôle principal, Nick Cave et à la musique… De fait, La Route est un film impressionnant formellement, qui fait naître la mélancolie en filmant des corps perdus dans des décors dépouillés, et saisit des instants de terreur pure que le livre ne faisait que suggérer. C’est le cas de la scène de la cave, où Hillcoat filme des êtres nus et décharnés s’extirpant de la pénombre tels des rescapés des camps. Si l’on s’en tient là, La Route mérite tous les éloges.
Le dernier homme sur la route
Mais il y a le bouquin de MacCarthy, et cette foutue question de la fidélité. Le récit est aussi simple qu’une parabole biblique : après l’apocalypse, un père et son fils prennent la route pour se rendre au bord de la mer, comme un dernier espoir. Le monde est livré à des bandes cannibales — dans le film, des rednecks avinés et armés— et pour se préserver de la menace, ils n’ont qu’un pistolet chargé avec deux balles. MacCarthy ne s’attardait pas sur l’environnement — aucune description, aucun lieu identifiable — et adoptait un style épuré à l’extrême. Hillcoat trouve des équivalences à ce dépouillement : une forêt d’arbres nus et gris figure la désolation, les restes d’un bateau échoué sur une plage témoignent du cataclysme. Quant aux dialogues, ils sont importés à la virgule près du texte original. Les enjeux sont eux aussi intacts : le père veut transmettre le sentiment d’humanité à son fils, mais perd le sien sous la pression d’un instinct animal de préservation. À l’écran, pourtant, quelque chose ne fonctionne pas totalement. L’application avec laquelle Hillcoat refuse de trahir MacCarthy produit une sensation de film froid, où la lenteur contemplative frise l’illustratif, et où les rares rencontres (dont celle, touchante, avec le vieillard incarné par Robert Duvall) font figure de respiration nécessaire dans un dispositif fermé à double tour. L’exemple le plus flagrant tient à la présence de Viggo Mortensen : acteur physique, il confère une chair au personnage dont le film ne sait trop quoi faire, l’abstraction métaphysique étant son unique horizon. Ce n’est qu’au dernier tiers que les deux — le corps du film et le verbe du livre — se rejoignent et qu’enfin l’émotion surgit. Un peu trop tard, peut-être…
La Route
De John Hillcoat (Australie-ÉU, 2h) avec Viggo Mortensen, Robert Duvall…
pour aller plus loin
vous serez sans doute intéressé par...
Mardi 8 juin 2021 Le Musée des Beaux-Arts réunit les trois frères artistes Hippolyte, Paul et Auguste Flandrin, acteurs clefs de la scène lyonnaise du début du XIXe siècle. L’exposition foisonnante explore leur complicité artistique, et dévoile, dans un parcours...
Mercredi 19 mai 2021 "Falling", premier film signé Viggo Mortensen, est un récit intime entièrement tourné vers les autres avec un Lance Henriksen hypnotique.
Mercredi 21 avril 2021 Les Puces du Canal lancent dès maintenant un appel à projets pour un mini festival d’Avignon Off, programmé fin juin.
Mercredi 4 novembre 2020 Le comédien aux mille talents vient de signer son premier long-métrage en tant que cinéaste, qu’il a présenté en première française durant le Festival Lumière à Lyon. Une histoire de famille où l’attachement et l’oubli se livrent un duel sans...
Mardi 22 janvier 2019 Poète, peintre, photographe, polyglotte, supporter du San Lorenzo de Almagro, Viggo Mortensen est aussi un comédien rare, réservant ses participations à des films porteurs de fortes valeurs artistiques et/ou humaines. Conversation, en français dans...
Mardi 22 janvier 2019 Un dur à cuire devient le garde du corps d’un pianiste noir gay en tournée dans les états du Sud d’avant les droits civiques. Version alternative de Ebony and Ivory, cette traversée de l’Amérique profonde (et saignante) rappelle qu’on ne saurait...
Mardi 24 avril 2018 Cavale épique d’un gamin s’étant piqué d’affection pour un canasson promis à la fin dévolue aux carnes hippiques, cette errance passant du hara qui rit au chaos corral est menée par le prometteur Charlie Plummer, Prix Marcello-Mastroianni du...
Mardi 4 avril 2017 Envie de prolonger les rivages noirs de Quais du Polar ? Entre la fumée des cigares et des canons, trois films de mauvais garçons vous attendent pour (...)
Mardi 11 octobre 2016 de Matt Ross (E-U, 1h58) avec Viggo Mortensen, Frank Langella, George Mackay…
Mercredi 1 juin 2016 De Noir Désir, aucun doute, c'est le chemin suivi par l'ancien guitariste du groupe bordelais qui nous chatouille les esgourdes, bien plus qu'une virée (...)
Mardi 17 novembre 2015 Quand on jette un œil sur les photos de Pierre Guénard de Radio Elvis, on revoit presque le Morrissey des jeunes années, coquettement affublé de lunettes de (...)
Mardi 19 mai 2015 Depuis qu'il a instauré ses "Concerts coup de cœur" voilà six ans, le Ninkasi ne se contente plus de remplir nos bouches – ainsi que l'exprime son nom, (...)
Mardi 13 janvier 2015 Adapté d’Albert Camus, le deuxième film de David Oelhoffen plonge un Viggo Mortensen francophone dans les premiers feux de la guerre d’Algérie, pour une œuvre classique et humaniste dans le meilleur sens du terme.
Christophe Chabert
Mardi 23 septembre 2014 Dans la collection automne-automne musicale, la tendance est clairement à l'indie rock, cette notion floue et changeante qui pourtant se nourrit d'une évidence : quelles que soient sa nature, sa forme, son humeur, son envie, quand on voit un artiste...
Mardi 17 juin 2014 D’Hossein Amini (EU-Ang-Fr, 1h37) avec Viggo Mortensen, Kirsten Dunst, Oscar Isaac…
Jeudi 2 janvier 2014 Qu'ils voyagent dans des espaces fictifs ou réels, les (bons) artistes opèrent toujours chez nous un déplacement du regard. Petite sélection, non exhaustive, des expositions attendues en ce début d'année 2014.
Jean-Emmanuel Denave
Jeudi 14 novembre 2013 Sur Tout refaire, tiré de l’album Seuls au Sommet, Pascal Bouaziz chantait il y a dix ans : «Le noir c’est plus gai / Le noir c’est plus joli / Le noir (...)
Mardi 23 avril 2013 Il n’a que 34 ans, une silhouette d’éternel adolescent américain et un entretien avec lui se transforme vite en conversation familière avec un passionné de littérature et de cinéma. Jeff Nichols ressemble à ses films : direct, simple et pourtant...
Mardi 30 octobre 2012 Allelujah ! Don't Bend ! Ascend !
(Constellation.Differ-ant)
Jeudi 6 septembre 2012 De John Hillcoat (ÉU, 1h55) avec Shia LaBeouf, Tom Hardy, Jessica Chastaing…
Jeudi 24 mai 2012 On se demande encore ce qui a motivé Walter Salles a porté le roman de Jack Kerouac à l'écran, tant son adaptation tombe dans tous les travers du cinéma illustratif, académique et laborieux.
Christophe Chabert
Mercredi 14 décembre 2011 La rivalité entre Freud et son disciple Carl Gustav Jung, un sujet complexe mais idéal pour David Cronenberg, qu’il rend passionnant pendant 45 minutes, avant de laisser la main à son scénariste, l’académique Christopher Hampton.
Christophe Chabert
Mercredi 23 février 2011 Jazz / «Talking trips to America» est un projet singulier : par le violoncelle, la photographie et le film, faire revivre, le temps d’un concert, la (...)
Mercredi 9 décembre 2009 De John Hillcoat (Australie, 1h44) avec Guy Pearce, Ray Winstone, Emily Watson…
Lundi 23 novembre 2009 Auteur / En quittant la Comédie de Reims pour rejoindre le Théâtre National Populaire, Christian Schiaretti a emporté dans ses valises Jean-Pierre Siméon, poète (...)
Lundi 28 septembre 2009 Entretien / Suite aux pressions d’un groupe d’extrême droite, l’exposition du photographe Bertrand Gaudillière sur les sans-papiers à la Bibliothèque du 4e a été fermée pendant 24 heures. Explications.
Propos recueillis par Dorotée Aznar
Mardi 15 septembre 2009 De Philippe Godeau (Fr, 1h47) avec François Cluzet, Mélanie Thierry, Michel Vuillermoz…