Toute une Histoire

Théâtre / Madame Max Gericke revient au Théâtre du Point du Jour. Vingt-cinq ans après sa création, la première mise en scène de Michel Raskine n'a pas pris une ride et laisse toujours le spectateur médusé. Nadja Pobel

Dans l'Allemagne en crise des années 1920 et 30, Ella Gericke devient son défunt mari. Elle enfile son costume et le remplace à son poste de grutier pour continuer à percevoir son salaire. Après Brecht et Anna Seghers, l'acteur et metteur en scène allemand Manfred Karge relate cette histoire vraie dans un mini-récit séquencé en 26 tableaux intitulé «Jacke wie Hose». Cette expression équivaut au français «Bonnet blanc et blanc bonnet» mais le traducteur Michel Batailllon, lui préfère le titre Max Gericke ou pareille au même, moins «joliet», plus «charnel», comme il le précise dans la préface, mais plus en phase avec le texte de Karge. En effet, l'écriture du dramaturge est percutante, il rédige cette histoire en la crachant au lecteur, sans complaisance et sans atermoiements. Il fallait une sacrée audace pour penser monter cela sur les planches. Dans les années 70, Michel Raskine, alors acteur, a déjà rencontré Manfred Karge sous la direction duquel il a joué. Avec ce texte, il devient metteur en scène et le restera car, dit-il, «ce spectacle convient exactement à ce que j'avais rêvé». C'est à l'occasion de la création de cette pièce aussi qu'il croise la route de Marief Guittier. La comédienne sera non seulement sa Gericke mais aussi l'actrice qu'il dirigera dans une vingtaine d'autres spectacles.Une version unique
Après la création de 1984, la reprise 1995 et celle de cette saison, Marief Guittier est pour la 250e fois dans la peau de cette femme coincée dans la misère qui se débat comme elle peut pour vaincre son malaise : «Las, plénitude si belle, si terrible. Jamais non jamais plus je ne la retrouverai. Et maintenant ça me tord. J'explose, j'éclate». Guittier rend sa voix rauque et incarne cette androgyne jusqu'au vertige. Chaussée de rangers, grimée, des bières à portée de main, elle se fait homme avec les objets du bord et une patte arrachée au corps d'un lapin mort est un sexe improvisé. La sombre Histoire allemande glisse sur une Gericke qui choisit ne pas choisir : «moi, ni pour front rouge ni pour Heil Hitler» dit-elle, alors membre des sections d'assauts, sous le national-socialisme. Manipulée par le pouvoir, elle manipule aussi son monde sous sa nouvelle identité. En vingt-cinq ans, Guittier, Raskine et Karge ont vu le Mur tomber mais cette histoire germanique n'a rien perdu de sa force. Elle s'est même enrichie de l'expérience de chacun et la mise en scène initiale n'a pas eu besoin d'être ripolinée pour tenir la route à l'orée de 2010. Un petit miracle dans le théâtre contemporain.Max Gericke ou pareille au même
Au théâtre du Point du Jour, du jeudi 10 au jeudi 17 décembre.

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