Alice dans ta gueule

Théâtre / Catherine Hargreaves met en scène «Le Monde merveilleux de Dissocia» dans la Célestine. Une version trash et déjantée d’«Alice aux pays des merveilles», tout à fait convaincante. Dorotée Aznar

Les spectateurs s’installent alors que Lisa est déjà là. Elle lit, mange et s’amuse avec son téléphone comme si elle était seule avant de fermer la porte de son «appartement» à clé, nous indiquant qu’il n’y aura aucune échappatoire. Alice aux pays des barges peut alors commencer. Lisa Jones entend des voix. Lisa voit des gens qui n’existent pas. Un réparateur de montres frappe à sa porte, il vient lui expliquer l’origine de son mal : lors d’un voyage à New York, elle a perdu une heure. Depuis, son univers est déséquilibré, ses proches ne la reconnaissent plus. Pour que tout redevienne comme avant, elle va devoir se rendre dans le monde de Dissocia afin de reprendre possession de l’heure perdue. Comme chez Lewis Carroll, Lisa-Alice va débarquer dans un monde parallèle, où la logique ne fonctionne pas, où l’absurde et le chaos règnent en maîtres. À Dissocia, avant de laisser les voyageurs franchir la frontière, on s’assure qu’ils ne transportent pas de plumes et qu’ils prêtent serment d’allégeance à la reine. À Dissocia, le bureau des objets perdus a malheureusement été égaré et le grand cafard risque de détruire le pays à tout moment. Et si l’on ne risque pas de se faire couper la tête à tout va (la Reine a disparu), ce sont les boucs émissaires amateurs de viol anal qu’il faut craindre. De l’autre côté du miroir
Dans le texte de Neilson, la violence est omniprésente. Une violence qui se double d’un humour féroce et dont l’ambition est de surprendre le spectateur en permanence. Catherine Hargreaves, à la mise en scène, répond parfaitement au cahier des charges. On passe d’un genre à l’autre en clin d’œil (les épisodes chantés sont particulièrement réussis) et le choix d’une mise en scène bruyante et exubérante fonctionne à merveille. On rit souvent, parfois jusqu’aux larmes, grâce à une distribution où personne ne démérite. Si on devait exprimer un regret, il concernerait le second acte. Alors que la mise en scène avait su présenter avec légèreté des thématiques difficiles à aborder, le retour à l’hôpital, un peu trop illustratif et un peu long (chaque personnage présent dans le monde «inventé» par Lisa reprend sa place dans le réel) semble un choix «facile» en regard de ce qui précède. Dommage, mais certainement pas rédhibitoire.Le Monde merveilleux de Dissocia
Au Théâtre Les Célestins jusqu’au 30 janvier
Pourparlers autour du spectacle, samedi 23 janvier à 15h.

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