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Fascisme, intérieur jour

À l’affiche de la ciné-collection en ce mois de mars, "Une journée particulière" d’Ettore Scola raconte la grande Histoire sur un mode intimiste, filmant avec précision et subtilité un formidable duo d’acteurs. CC

Comment raconter l’apogée dramatique du fascisme italien ? Ettore Scola apporte deux réponses à cette question dans "Une journée particulière", mais prend soin de les séparer radicalement. D’abord, l’archive brute : la première visite d’Hitler à Rome pour rencontrer Mussolini est exposée dans un prologue de dix minutes qui se contente de reprendre les images de l’époque, commentaires inclus. Le décor historique est posé, et le film effectue ensuite un retour à zéro fictionnel. Un grand pano-travelling le long des fenêtres d’un immeuble, aussi virtuose que celui ouvrant "Le Locataire" de Polanski (tourné à la même époque), en expose la géographie et l’environnement humain. En ce jour de gloire pour un pays endoctriné, les locataires se préparent à aller acclamer le Führer et le Duce. Seuls resteront Antonietta, mère de famille nombreuse méprisée par son mari, épuisée par sa condition de femme au foyer, et Gabriele, ancien speaker radiophonique viré de l’antenne en raison de son homosexualité. Antonietta ne critique pas le régime ; elle s’y soumet comme elle se soumet au patriarcat. Gabriele est une victime de la dictature, mais sa rage semble ensevelie sous la résignation, la claustration et la tristesse.

Intelligence de la caméra

"Une journée particulière" ne sortira plus de l’immeuble, mais passera d’un appartement à l’autre, avec une superbe échappée sur le toit, le temps d’une séquence magistrale où le rapprochement entre ces deux êtres prendra des allures de passion impossible. L’intelligence de Scola consiste à ne pas chercher à aérer l’action à tout prix pour démentir un éventuel reproche de théâtre filmé. Le travail effectué par le cinéaste, que ce soit dans de très beaux plans-séquences — la scène où Gabriele téléphone à son ami, notamment, est exemplaire de cette capacité à faire vivre une situation par le mouvement de la caméra — ou lorsque le découpage insiste sur un geste, un détail, un regard, est une leçon de mise en scène. L’autre leçon de ce film grave et subtil, c’est celle que délivre les deux comédiens. Sophia Loren, volontairement enlaidie pour donner de la crédibilité à son rôle de mère vieillie par l’effort, et Marcello Mastroianni, dont le regard mélancolique en dit long sur les brimades que son personnage a subies, forment un duo exceptionnel, qui a contribué à faire d’"Une journée particulière" un des films les plus célèbres d’Ettore Scola.

Une journée particulière
D’Ettore Scola (1977, Ita, 1h45) avec Sophia Loren, Marcello Mastroianni…
Dans les salles du GRAC jusqu’au 9 avril.

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