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Théâtre / Nous sommes chez Job, un riche homme d’affaires. Le festin s’achève à peine que les messagers se succèdent pour annoncer à Job une succession de catastrophes. Sans explication, il va tout perdre : ses richesses, ses enfants, la santé, la vie. S’il est question de Dieu, il n’y a pourtant pas de rédemption dans «Les Souffrances de Job» du dramaturge israélien Hanokh Levin. Ici, on ne fait que s'enfoncer toujours plus profond, l’acmé n’est jamais atteint, la souffrance n’a d’autre explication et d’autre but que la souffrance.

La pièce est à l’image du supplice du pal auquel Job sera soumis. Quand on s'élève, c'est pour mourir, quand on s'approche du ciel, c'est pour constater qu'il est désespérément vide. Levin triture le poème biblique, l’actualise et nous livre une œuvre noire, violente, sans issue. Qu’y a-t-il après la mort ? Son exploitation commerciale : la mort en direct. Le drame et la farce, l’horreur et le rire, tout est chez Levin. Pour faire entendre le texte, le jeune metteur en scène Laurent Brethome a choisi de travailler essentiellement «par allusions». Pas de violence intolérable sur scène. Nul besoin. Sur le plateau, la «matière» recouvre bientôt les corps (ombres gluantes, corps couvert de «croûtes de peinture») et dans la salle, le malaise gagne.

Philippe Sire, dans le rôle de Job, malmené, suspendu à plusieurs mètres de hauteur livre une performance d’acteur impressionnante. Si le reste de la distribution est plus inégal, le travail de Brethome mérite que l’on s’y attarde. Sa volonté de bousculer, de provoquer, de flirter avec les limites et de «réveiller» les spectateurs le range à coup sûr parmi les jeunes metteurs en scène qui ont envie de démordre avec une certaine conception du théâtre. Mais à vrai dire, cela ne fait pas de mal et ils ne sont pas si nombreux.

Dorotée Aznar

Les Souffrances de Job
Au Toboggan (Décines), jeudi 11 et vendredi 12 mars

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