Excellente surprise : le premier film de Géraldine Nakache et Hervé Mimran fait oublier les récentes comédies françaises réactionnaires en imposant un ton doux-amer, un regard social pertinent et un vrai désir de cinéma populaire et ambitieux.Christophe Chabert
Deux filles sur un banc à Puteaux, à dix minutes de Paris en métro. Ely (Géraldine Nakache) est de retour chez ses parents, dont un papa chauffeur de taxi aussi effacé que dévoué à sa famille ; Lila (Leila Bekhti) n'est jamais partie de chez sa mère, et fait lentement le deuil d'un père qui a refait sa vie ailleurs. Elles tchatchent avec un langage plein de codes qui scelle leur complicité ; et elles rêvent d'aller faire la fête dans les clubs branchés de la capitale, histoire d'oublier leur quotidien morose — Lila vend du popcorn dans un multiplexe Pathé, placement produit du producteur du film pour une fois assez savoureux ! Si le titre du film sent la fable morale, la première réalisation de Géraldine Nakache et Hervé Mimran est avant tout une comédie subtile qui illustre une réalité pas drôle : l'impossibilité de sortir de sa classe sociale et la honte qui accompagne cette impasse.
Quiproquos sociaux
Ely va rencontrer un couple de lesbiennes avec enfant (étonnant duo entre Virginie Ledoyen et Linh-Dan Pham), a priori «open», qui l'invite d'abord à leurs soirées avant de la cantonner dans un rôle humiliant de baby-sitter. Lila va vivre une histoire d'amour avec un beau gosse friqué (Simon Buret, moitié du groupe Aaron), mais elle n'est à ses yeux qu'une maîtresse exotique par rapport à sa «légitime» venue du même monde que lui. Le film suit les contorsions de ses deux héroïnes pour masquer leurs origines sociales, ce qui donne lieu à des quiproquos si bien écrits — et très bien interprétés par tous les comédiens — qu'ils peuvent basculer dans la même séquence du rire pur à la gêne angoissée. C'est la force de Tout ce qui brille : il prend le temps de poser ses situations, de les inscrire dans un espace — le film fait découvrir un Paris d'aujourd'hui inédit grâce à une très belle direction artistique — et une durée lui autorisant de très belles ruptures de ton. Il y a quelque chose de rassurant à voir une comédie française se permettre une ambition dans la forme comme dans le propos, et adopter jusqu'au bout le point de vue des dominés. Ils sont les perdants désignés dans cette tentative d'intégrer ce monde des dominants qui tolèrent mais n'intègrent jamais des intrus qu'elles calculent au premier coup d'œil. Nakache et Mimran ont certes tendance à vouloir boucler tous leurs arcs scénaristiques dans le dernier acte, un poil trop long ; mais ce petit excès de scénario est un bémol mineur face à un film sincère, euphorisant et mélancolique.
Tout ce qui brille
De Géraldine Nakache et Hervé Mimran (Fr, 1h40) avec Géraldine Nakache, Leila Bekhti, Manu Payet...