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Quand on arrive en livre !

L'Impossible Monsieur B.B.

Portrait / Ex-petit génie ramenard revenu de tout, Benjamin Biolay a toujours agacé autant qu’impressionné. Mais avec La Superbe, album déprimé et grandiose doublement récompensé aux Victoires de la Musique, Biolay a retrouvé la sienne. Ou quand le talent s’illumine à mesure que l’homme s’assombrit. Stéphane Duchêne

Livrons nous à un petit sondage, puisque c’est à la mode. «Si vous deviez, à l’aide d’une citation, définir au plus près Benjamin Biolay diriez-vous comme Michel Audiard : «Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît» ou comme Jonathan Swift : «Quand un génie véritable apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui». Il y a fort à parier que le résultat d’une telle enquête d’opinion frôlerait le 50-50, dévoilant la réalité d’un chanteur détesté par tous ceux qui ne l’adorent pas. Con génial ou génie déconnant, la réalité de Biolay, pourtant, se trouve sans doute à mi-chemin de la punchline des Tontons Flingueurs et de l’aphorisme du père de Gulliver, fruit de l’agacement dont le chanteur fait régulièrement l’objet et de la reconnaissance artistique sans cesse renouvelée dont il bénéficie depuis sa première Victoire de la Musique en 2002. Adoubé Chevalier des Arts et des Lettres en 2004, Biolay a eu contre lui d’être aussi un paladin du mot cru asséné comme un coup d’épée, fut-ce mal ajusté, fut-ce dans l’eau croupie de la rancœur, comme dans une fameuse interview à Technikart en 2007. Un Gulliver, à géométrie variable : aussi grand et risque tout dans son ambition musicale que petit dans ses propos montés en épingle, mais finalement plus moyen qu’il n’y paraît, boy next door caladois aux airs pas si grands. Pop Star
Dans un article de 2005, titré "Le Pop Star", le New York Times, avec la distance qui sied aux observateurs étrangers, disait du chanteur à la moue impénétrable : «Les Français peuvent paraître méchants et distants alors qu’ils ne sont que timides». Ce qui est sans doute le meilleur et plus court moyen d’identifier la complexité présumée d’un Benjamin Biolay. Des timides, il a la franchise mal dosée de celui qui s’est trop longtemps retenu de l’ouvrir ou qui simplement préfère dessouder les collègues que parler de lui. Un travers souvent exagéré qui ne l’a jamais empêché d’être l’homme de l’ombre dont on s’arrache le talent : Keren Ann, Françoise Hardy, Coralie Clément, Chiara Mastroianni, Carla Bruni, Isabelle Boulay, Elodie Frégé, Henri Salvador, Julien Clerc, Hubert Mounier ont tous pu tirer un certain bénéfice, artistique ou financier, de ses largesses musicale. Parfois avec ingratitude, comme quand Salvador renia son travail sur "Chambre avec vue", l’album de sa panthéonisation, pour en attribuer tout le mérite à sa complice Keren Ann. Quand l’homme de l’ombre prend trop la lumière, c’est un souci. Mais dans ce monde de faux modestes que peut être la chanson française, Biolay, peu suspect de calcul, exigeant jusqu’au chichiteux, et hasardeux en promo, est devenu difficile à vendre, obligeant ses maisons de disques à effacer les traces de ses «crimes» de lèse-Bénabar. Musicalement aussi, l’homme-orchestre, compositeur, arrangeur, producteur, fait tout lui-même sauf des concessions. Dans une industrie encline au «12 titres de 3 minutes douche comprise», son goût prononcé pour le long format en atteste. Tout comme son canardage tous azimuts à l’assaut des barrières entre genres musicaux. Padam, pas dupe
Sans doute parce que Biolay a trop longtemps été un autre : enfant de classe moyenne de Villefranche-sur-Saône, un peu complexé par son côté provincial, il dégaine en 2002, un premier album consacré au clan Kennedy. Se rêve héraut fitzgéraldien pour mieux refuser le réalisme de la nouvelle chanson française, et par là sa propre réalité. D’où l’impression d’une musique, brillante certes, mais où le décor cache la misère de tout ce qu’on ne dévoile pas. D’entrée, il induit une distance, se pose en dandy, esthète un peu hautain qui ne se mélange pas. Aujourd’hui, à mesure qu’il accepte de nourrir la bête musicale et textuelle avec ses propres tripes et ses déboires sentimentaux, Biolay, devenu également comédien, assume de cannibaliser l’ensemble des influences qui l’ont fait (de Michel Legrand à Booba, de John Lennon à New Order). Prend conscience de ce qu’il peut y avoir à gagner à risquer la perte de l’amour, des illusions, de l’estime de soi et des autres. Artiste pop mais pas populiste, Biolay a beaucoup été comparé à Gainsbourg : son côté franc-tireur, sa dépendance aux femmes et à ce besoin de les faire chanter, cet air de défiance qui dissimule mal la timidité, sa Gainsbarrisation un peu schlass. La comparaison l’a beaucoup agacé mais il a fini par l’accepter comme on accepte l’évidence. Si BB est en quelque chose l’héritier de Serge, c’est en sa volonté de secouer le cocotier de la chanson, d’en faire tomber les imposteurs et d’en accommoder différemment les fruits. Pourtant, paradoxe là encore partagé avec son aîné, le double vainqueur, sincèrement honoré, des dernières Victoires de la musique ne renie pas son désir de reconnaissance, comme il le chante sur Padam : «J’attendais en vain que le monde entier m’acclame, qu’il me déclare sa flamme, dans une orgie haut de gamme». C’est juste qu’il a suffisamment grandi, encaissé et donné de coups, pour n’être pas dupe quand cela arrive, sur le plan artistique ou sentimental, ce qui pour lui revient au même. Comme sur Night Shop où il confie : «La nuit je mange / Une fille aux cheveux orange qui me dit t’es beau / Moi, moi, moi, moi, je la crois pas trop». À tort et à raison, sans doute.

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