Derrière ses allures de comédie à message élégamment filmée, écrite et interprétée, le deuxième long d'Anne Le Ny cache un film au discours contestable, dont les maladresses rejoignent un ennuyeux air du temps.Christophe Chabert
L'honnêteté critique oblige à reconnaître que Les Invités de mon père est un film plutôt bien écrit, filmé avec un classicisme post-Sautet efficace et servi par des acteurs talentueux (Fabrice Luchini et Michel Aumont sont formidables, Karin Viard un peu moins, surtout quand son personnage perd les pédales à la fin). Ce deuxième long-métrage d'Anne Le Ny après Ceux qui restent n'a donc rien à voir avec certains navets franchouillards vus récemment. Mais son propos, déplaisant, se présente comme une réponse venue du bord opposé au Welcome de Philippe Lioret, un film déjà très faible ! Un bourgeois septuagénaire pas encore revenu de ses idéaux de la Résistance décide d'héberger chez lui des sans-papiers. Ses enfants poussent d'abord des cris d'orfraie, pensant voir débarquer un troupeau de Maliens dans le salon. Surprise : c'est une Ukrainienne blonde et sculpturale accompagnée de sa gentille petite fille qui s'installe chez leur père. Soulagement ? Un temps seulement, car ils découvrent que l'invitée est à la fois l'objet sexuel du paternel et une femme prête à tout pour rester en France.
Not welcome...
C'est là que le film se corse. Qu'un sans-papier ne soit pas forcément un être miséricordieux, OK. Qu'un vieux gauchiste puisse aussi avoir des pulsions libidinales, rien à redire. Le problème, c'est que le film raconte tout cela du point de vue unique des petits-bourgeois inquiets de voir leur quotidien explosé : famille (le fils de Viard fricote avec la petite ukrainienne, ça craint !), argent (se faire déshériter est vécu comme une tragédie absolue, ce que la cinéaste ne remet pas vraiment en question), et même vie de couple... Tout part à vau-l'eau et le scénario, malgré ses apparents efforts de dialectique, finit par donner raison aux peurs de ces Français propres sur eux. La sans-papier, elle, n'a jamais droit à une scène où elle pourra se défendre de ce qu'on l'accuse. On n'est pas chez les frères Dardenne, où la caméra ne lâche jamais des exclus qui peuvent aussi commettre des actes légalement condamnables au nom de leur survie. Pour Anne Le Ny, tout le monde a ses raisons, mais surtout les puissants, qui se tirent sans réelle égratignure de leur égoïsme et de leur xénophobie. Entre l'angélisme de Welcome et la maladresse des Invités de mon père, ces films sur l'immigration clandestine sont aussi caricaturaux que le débat sur l'identité nationale...