Images dépeintes

Expo / Jean-Luc Blanchet compose ses toiles en effaçant de la peinture. Et construit un univers sombre et sous tension, où les limites entre la vie et la mort, l'apparition et la disparition se brouillent... Jean-Emmanuel Denave

Parmi son accrochage, Jean-Luc Blanchet a suspendu une robe repeinte en noir et plongé un joli bouquet de fleurs dans un pot de peinture lugubre... L'univers de l'artiste (né en 1976) est manifestement angoissant, mélancolique, voire funèbre, et le jeune Lyonnais se nourrit aussi de l'énergie musicale punk ou noisy, en émule des groupes Bästard, Sister Iodine ou Sonic Youth. Il a installé son atelier à la friche RVI, a semé quelques images dans la Demeure du chaos de Thierry Ehrmann, et travaille depuis 2003 avec la galerie Domi Nostrae, à la ligne artistique friande de défiguration, de transgression et de trituration de la représentation... Jean-Luc Blanchet part du constat d'un certain extrémisme du modernisme poussant la peinture jusqu'à ses ultimes limites et possibilités, pour ne pas dire jusqu'à sa disparition. On peut penser notamment aux monochromes noirs peints en série, inlassablement, par Ad Reinhard au début des années 1960. Et justement, procédant d'une manière des plus étonnantes, Blanchet commence par réaliser des monochromes noirs qu'il «efface» ensuite avec un chiffon et du white spirit pour composer ses figures : portraits, vanités, fleurs, paysages, reprises de tableaux célèbres, etc. Inversions
L'artiste, ainsi, compose en décomposant, peint en dé-peignant, crée en ôtant de la matière picturale. Ses œuvres jouent d'un nouveau rapport entre la matière et l'image créée par soustraction. Comme si derrière le rideau, derrière l'abstraction, parmi les méandres de la peinture, persistaient, fantomatiques, des images, des présences, du sens... Tout cela reste fragile et fugace : ses perroquets en train de voler semblent menacés d'être engloutis par la laque épaisse d'où ils sont «nés» ; ses arums évanescents ou certains visages féminins affleurent quant à eux à peine à la surface des toiles... Le conflit et la tension sont palpables dans toutes les œuvres de Jean-Luc Blanchet, l'artiste écrivant d'ailleurs sur une toile à la manière d'un graffiti : «Le temps passe et chaque fois qu'il y a du temps qui passe il y a quelque chose qui s'efface». La mort est à l'œuvre et Blanchet, plutôt que de lutter contre, utilise, épouse justement ses procédés pour donner vie à ses images. Sa «Grande Bouche» béante, proche d'une photographie du surréaliste Jacques-André Boiffard, rappelle ces mots de Jacques Lacan : «ce quelque chose d'à proprement parler innommable, le fond de cette gorge, à la forme complexe, insituable, qui en fait aussi bien l'objet primordial par excellence, l'abîme de l'organe féminin d'où sort toute vie, que le gouffre de la bouche où tout est englouti, et aussi bien l'image de la mort où tout vient se terminer».Jean-Luc Blanchet
À la galerie Domi Nostrae jusqu'au vendredi 30 avril.

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