Portrait / L'année 2010 permet à Gérard Depardieu de retrouver de grands rôles dans de bons films.CC
Dire que Depardieu effectue en 2010 un come-back sur les écrans est assez absurde. Car les écrans, Depardieu ne les a jamais quittés ; mais il se contentait de prêter sa silhouette à des personnages furtifs qu'il rendait toutefois inoubliables. Deux exemples : Guido, le mentor de Mesrine dans L'Instinct de mort et Abel, mauvaise conscience de l'escroc Miller dans À l'origine. Xavier Gianolli fut un des premiers à lui refaire confiance pour porter un film entier sur ses épaules ; il avait raison car même si Quand j'étais chanteur est plutôt emmerdant, Depardieu y est formidable.
Lassitude
Le problème de Depardieu, c'est son statut d'acteur populaire condamné à apparaître dans tout ce qui se fait de pire en matière de blockbuster français. Il fallait le voir dans Disco ou Coco, simple donneur de répliques masquant à grand peine sa lassitude du plateau. Usé par trop d'Astérix, décrédibilisé par d'improbables daubes comme Michou d'Auber, Rrrrhhhh, Olé ou San Antonio, Depardieu avait fini par oublier deux choses : il est un comédien instinctif qui transforme la vie en jeu, et il possède une technique tellement naturelle qu'elle en devient invisible.
Présence / Absence
Dans L'Autre Dumas, Depardieu n'est jamais «au repos» ; il mange, il baise, il écrit, il fait la cuisine... Cette manière de déporter le texte vers l'action brise l'académisme menaçant cette reconstitution historique. Dans Mammuth, à l'inverse, ce sont les moments où Depardieu ne fait rien qui sont impressionnants : sa présence massive, sa lenteur, sa résignation en font un cousin prolétaire de l'Abbé Donissan dans Sous le soleil de satan. Enfin, dans La Tête en friche, beau film de Jean Becker à sortir en juin, Depardieu effectue la synthèse de ces deux options radicales : gros nounours rugueux se découvrant une richesse intérieure au contact de la lecture, il anime l'écran avec une incroyable générosité. Le grand Depardieu est donc de retour au sommet. Pour longtemps, on l'espère.