Stupéfiants

Zoom / Depuis les années trente, le 7e art entretient un rapport équivoque avec la drogue, dans une relation mélangeant malgré elle attraction et répulsion. Sous couvert de dénonciation sans appel des méfaits de la marijuana, les premiers films relevant de la drugsploitation s’empêtrent entre diabolisation et racolage, alignant des scènes de violence et d’effeuillages en cette époque pas encore régie par le très restrictif Code Hays. Des œuvres comme Reefer Madness, Assassin of youth ou même le français Comtesse Haschisch mettent en garde : un joint, et c’est la porte ouverte au vol, au viol, au suicide, et au jazz. Il faudra attendre les psychédéliques années 60 pour que des cinéastes s’essaient à retranscrire les effets psychotropes autrement. Si l’arrivée du LSD semble inspirer une certaine créativité, les produits finis susciteront au mieux des toussotements polis : Head (1968) de Bob Rafelson et Jack Nicholson tente de changer l’image des Monkees, le premier boys band de l’histoire, mais cette succession de saynètes pseudo décalées n’enjoint qu’à la consternation. Tout comme Skidoo (1968), comédie affligeante d’un Otto Preminger en fin de carrière. Âgé de 63 ans, le vétéran goûte le fameux buvard du Dr Hoffmann et essaie dans la foulée de donner corps à ses visions, tout en mettant dos à dos les contradictions des hippies et des réactionnaires - un projet qui sera mené à bien l’année suivante par ce grand cramé de Dennis Hopper. Easy Rider, écrit, tourné et monté sous influences diverses, traduit pour la première fois les errements et questionnements psychologiques liés à la consommation de stupéfiants chez une génération qui assiste, impuissante, à l’arrivée de Nixon au pouvoir. Au début des années 80, Oliver Stone se frotte à son tour à ses démons stupéfiants, et écrit Scarface, le film le plus incompris du siècle passé, pour se purger de la cocaïne. Le tournage et la post-production de Tueurs Nés démontreront, quinze ans plus tard, à quel point ce fut un échec, mais les deux films parviennent à orchestrer des montées d’adrénaline parmi les plus impressionnantes en termes de ressentis physiques. Un parti pris adopté par Darren Aronofsky dans Requiem for a dream, dont la construction extrêmement complexe, en boucle et en répétitions, fait tout pour laisser le spectateur pantelant. Par charité, on ne parlera pas de Blueberry et de ses économisateurs d’écran finaux, on en remettra une couche sur Enter the Void, Gaspar Noé étant sans doute le premier à cerner le sujet aussi efficacement, sans complaisance, et avec en sus un vrai regard d’auteur sur le sujet.

François Cau

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 31 octobre 2023 Le festival Lumière vient de refermer ses lourds rideaux, les vacances de la Toussaint lui ont succédé… Mais ce n’est pas pour autant que les équipes de (...)
Mardi 31 octobre 2023 Si le tourisme en pays caladois tend à augmenter à l’approche du troisième jeudi de novembre, il ne faudrait pas réduire le secteur à sa culture du pampre : depuis bientôt trois décennies, Villefranche célèbre aussi en beauté le cinéma francophone....
Mardi 17 octobre 2023 Nicolas Piccato a quitté à la rentrée ses fonctions de directeur de Lyon BD, à sa demande. Arrivé en 2021 en remplacement du fondateur Mathieu Diez, parti au (...)
Mercredi 13 septembre 2023 Pour sa 5e édition, le festival de street-art Peinture fraîche quitte la halle Debourg pour investir sa voisine aux anciennes usines Fagor-Brandt. Du 11 octobre au 5 novembre, 75 artistes s'exposent sur 15 000m2.
Mardi 5 septembre 2023 C’est littéralement un boulevard qui s’offre au cinéma hexagonal en cette rentrée. Stimulé par un été idyllique dans les salles, renforcé par les très bons débuts de la Palme d’Or Anatomie d’une chute et sans doute favorisé par la grève affectant...
Mardi 29 août 2023 Et voilà quatre films qui sortent cette semaine parmi une quinzaine : N° 10, La Beauté du geste, Alam puis Banel & Adama. Suivez le guide !
Jeudi 17 août 2023 [mise à jour mercredi 23 août 2023] Déjà interdit à Paris, Montpellier et Toulouse ces derniers jours, le spectacle de Dieudonné a été interdit à Lyon, amis s'est tenu dans un champs privé à Décines, et est interdit à Grenoble une semaine plus tard....
Lundi 12 juin 2023 Le musée à l’architecture déconstructiviste accueille, jusqu’au 18 février, "Afrique, mille vies d’objets". Ces 230 objets africains, principalement datés du XXe siècle, collectés par le couple d’amateurs et marchands d’arts Ewa et Yves Develon,...
Mardi 28 mars 2023 Un nom douillet, une verve grivoise, crue, parfois joliment obscène : Doully — celle qui surnomme son public « ses p’tits culs » — passe deux fois en région ce mois-ci, nous voici ravis.

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X