Blog : Cannes, jour 1. Tournée de bienvenue.

Arrivée à Cannes. "Robin des Bois" de Ridley Scott. Tournée de Mathieu Amalric. CC

 Cette année, plus encore que l’année dernière, on a décidé de ne pas chômer. Arrivée, récupération du badge et direction les salles pour voir des films, des films et encore des films. Manière de se motiver face à une sélection qui, sur le papier, a un peu moins de punch que l’an dernier, même si les Sud-coréens en compétition, les Roumains à "Un certain regard" et quelques noms prestigieux (Kitano, Loach, repêché à la dernière minute, Trapero ou Jia Zhang-Ke) sont des motifs suffisants pour se lever le matin et commencer du bon pied le marathon de la journée.

Pour ne brusquer aucun festivalier, Cannes a décidé de démarrer avec un film déjà en salles au moment de sa projection officielle et qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’épuise pas vraiment les neurones. On a souvent défendu Ridley Scott dans nos colonnes, notamment quand il touchait les sommets avec "Gladiator" el La" Chute du faucon noir", mais aussi pour des œuvres plus mineures comme "American Gangster", "Hannibal" ou même "Une bonne année". Mais là, il est évident que l’ami Ridley devrait mettre le frein sur sa boulimie créative. "Robin des bois" a tout de la mauvaise idée inspirée par les récentes tentatives (réussies, elles) de dépoussiérer de grands récits mythologiques, du "Seigneur des anneaux" à "The Dark knight"… Le film ressemble à un long prologue racontant comment Robin Longstride, simple archer ayant épaulé Richard cœur de lion dans ses croisades et ses batailles contre les envahisseurs français, devient Robin des bois, brigand célèbre en lutte contre le fourbe Roi Jean. Ça ne part pas trop mal avec une séquence de siège assez spectaculaire, et une plaisante façon de poser tous les futurs "sparring partners" de Robin dans des scènes de comédie bon enfant. En revanche, le film se grille totalement dès qu’il veut poser un contexte politico-historique, multipliant des personnages mal développés (surtout côté français) pour finalement les rabattre sur leur archétype initial. Mais rien ne prépare au désastre des quarante dernières minutes… Les scènes d’action sont expédiées à la va comme-je-te-pousse ou illisibles à force de surdécoupage, les climax dramatiques sont résolus en une réplique lapidaire, mais surtout, surtout, Scott se lance dans une scène de débarquement qui mixe le "Soldat Ryan" et "Le Seigneur des anneaux" dans un pataquès visuel et historique au bas mot grotesque. "Robin des bois" frôle même parfois la série Z de luxe, quand Cate Blanchett débarque en armure ou quand un ralenti sonore transforme Russell Crowe en monstre marin surgissant des profondeurs. Ricanements garantis !

Après ça, changement radical avec le premier film de la compétition : "Tournée" de Mathieu Amalric. Jusqu’ici, Amalric cinéaste n’avait pas convaincu : Mange ta soupe était léger, et Le Stade de Wimbledon chiantissime à force d’auteurisme forcené. Autant dire que Tournée est une sacrée surprise. Amalric y incarne Joachim, ancien producteur télé devenu un "has been" qui essaye de se remettre en selle en accompagnant la tournée française d’une troupe d’artistes de new-burlesque venus d’Amérique. Joachim n’est pas un raté, c’est un maestro du ratage, qui a salopé sa vie et a réussi à foutre par terre sa carrière, son mariage et sa relation avec ses enfants. Cette petite communauté lancée sur les routes de province est pour ce «connard» une dernière chance de se prouver à lui-même qu’il peut encore avoir une place sociale. Si l’horizon du film est mélancolique et doux-amer, "Tournée" est une vraie comédie, toujours drôle même dans ses pointes de noirceur, et surtout parcouru d’une force de vie qui doit beaucoup à la mise en scène d’Amalric. Quelque part entre Jacques Rozier et le Hou Hsiao Hsien de Goodbye south goodbye, l’action se déplace à l’intérieur du cadre de son premier à son arrière-plan, jusqu’à ce que les deux finissent par interagir (voir la scène géniale où pendant que la troupe s’échauffe sur scène, deux techniciens jouent au badminton dans la salle, pendant que Joachim passe du rôle de metteur en scène à celui d’arbitre !). L’émotion naît aussi de la formidable vérité qui se dégage de ses actrices, dans leur propre rôle mais pas seulement, affichant leur corps avec impudeur, gardant leur pudeur pour leur âme. Curieusement, c’est avec ce film simple, direct et évident qu’Amalric semble être enfin devenu vraiment cinéaste, sans forcer la note comme il le faisait jusqu’alors mais en touchant à chaque scène une joie de filmer et une justesse de ton remarquable.

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