L'Illusionniste

Après "Les Triplettes de Belleville", Sylvain Chomet exhume un scénario inédit de Jacques Tati, et le transforme en hommage animé aux films du cinéaste, avec une mélancolie un peu fabriquée. Christophe Chabert

"L’illusionniste" s’ouvre sur une belle idée. Un écran est dessiné à l’intérieur de l’écran, rideau tiré, attendant le début du film. Mais le rideau reste bloqué, et c’est un vieil illusionniste qui vient faire un numéro à la place. La silhouette de ce magicien parlera immédiatement au cinéphile : c’est celle de Jacques Tati. Un Tati las, à force de répéter les mêmes tours avec un lapin récalcitrant et un public distrait. Chomet ne se contente pas de recréer cette figure mythique du cinéma français ; il reproduit aussi son style fait de plans fixes, de répliques grognées et de gags muets. Seul le trait du réalisateur des Triplettes de Belleville fournit au film sa capacité à éviter le «à la manière de», puisque le scénario est aussi signé Tati, un inédit sorti des placards familiaux. L’Illusionniste joue donc clairement la carte de l’hommage respectueux, mais aussi d’une certaine nostalgie pour les années 50, la France des cabarets et l’Angleterre en pleine mutation swing et consumériste.

Mon oncle d’Angleterre

Le film accompagne ainsi son héros outre-manche : il prend un bide à Londres, va se ressourcer dans une pension écossaise où il rencontre Alice qu’il emporte dans ses bagages direction Edimbourg. Là-bas, il tentera vainement de perpétuer son art, entre petits boulots foirés et début de succès dans la publicité. Étrangement, le scénario frappe par son utilisation d’archétypes très contemporains (Chomet a visiblement pris pas mal de libertés avec la matière originale) : la jeune fille aux yeux remplis d’admiration et de dévotion que le magicien néglige, trop absorbé par ses problèmes de survie, les clowns et ventriloques en fin de partie, dépressifs et suicidaires, à qui un regard innocent rend le goût de vivre… L’Illusionniste commet même un impair dans sa dernière partie avec une course à l’émotion qui contraste avec la demi-teinte générale du reste, le temps de quelques séquences qu’on dirait sorties d’un Disney, ce qui souligne aussi la gêne face à un film qui surjoue la mélancolie, la grisaille et le passéisme. C’est son petit charme et en même temps sa grande limite… On disait qu’il s’ouvrait sur une bonne idée : réunir dans le même dessin le cinéma et son origine foraine, tout en leur faisant se tourner le dos. Il la renverse joliment en cours de route : le Tati crayonné entre dans un cinéma qui diffuse Mon Oncle. Un bref instant, il se reconnaît sur l’écran, comme si cette rencontre entre deux artifices, l’image cinématographique et sa reproduction animée, parvenaient enfin à dialoguer entre elles, pour le plaisir des cinéphiles.

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