Ovni scénique

Quelqu’un qui se définit comme "scientophile", "artophile" et "ludopathe" ne peut pas être foncièrement mauvais. La preuve avec Antoine Defoort, mathématicien et plasticien de formation qui déstabilise avec un détachement presque insolent les arts de la scène. Aurélien Martinez

Antoine Defoort vient du monde de l’art contemporain. Plus qu’un détail, une clé pour appréhender son univers pourtant non-hermétique et non ultra-référencé. Car notre homme fait partie de cette jeune génération d’artistes décomplexés par rapport aux arts de la scène, qui dynamitent et réinventent les codes en vigueur avec une ingénuité et une nonchalance déconcertantes. «Au cours de mes études, je me suis progressivement rendu compte que la performance d’art contemporain était le contenant idéal pour stocker toutes sortes de contenus hétéroclites, et ça tombait bien puisque l’"hétéroclicité" était un de mes dadas», écrit-il en guise de présentation. Sorte de compilation de ses performances antérieures (plus quelques-unes créées pour l’occasion), Indigence = Élégance, présentée début juin à la Maison de la danse (à Lyon) et repris au début de l’été au festival de l’Arpenteur, n’est pas un spectacle à proprement parler. Pas d’histoire ou de schéma narratif auxquels se raccrocher. On a plutôt l’impression d’assister à une conférence dont on ne saisirait pas directement les tenants et les aboutissants, et c’est absolument jouissif.Faux candide
Prenant ainsi le recul nécessaire avec ses origines artistiques, Antoine Defoort développe un discours pétri d’ironie sur le monde très codifié de l’art contemporain. Comme dans son analyse débridée du concept "Hein ? Ah ouais !", où il explique comment certains artistes jouent à perdre le public pour lui fournir ensuite des codes de lecture – précepte qu’il met en place tout au long de son Élégance = Indigence, avec un "Ah ouais" final savoureux. Façon Géo Trouvetou qui aurait avalé Marcel Duchamp, Darry Cowl et Bill Gates, Antoine Defoort donne l’impression d’être perpétuellement sur le fil, s’excusant presque d’être ici à nous expliquer les mérites du fait de compter en binaire (ce qui sera d’ailleurs source d’une "chorégraphie de doigt" phénoménale). Mais tout ceci est un leurre, l’ensemble étant savamment maîtrisé, ne serait-ce du fait de toute la technique que ses créations burlesques engendrent. Le public grenoblois avait pu s’en rendre compte en octobre dernier à l’Odyssée d’Eybens, où le Lillois était programmé dans le cadre du festival arts-sciences les Rencontres-i, avec Cheval : un ovni scénique traitant pêle-mêle de l’informatique, du foot et de la nécessité de savoir jouer de la flûte à bec. Pour une mise en bouche avant le festival de l’Arpenteur, une captation de Cheval est disponible sur le site d’Arte.INDIGENCE = ÉLÉGANCE
Au Festival de l’Arpenteur (38), vendredi 2 juillet à 20h.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 24 mars 2015 C'est pour le moins un sacré début de printemps qui s'annonce à Lyon dans le domaine de la danse avec, notamment, la reprise de May B, chef-d’œuvre de (...)

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X