Splice

Quand l’auteur de Cube accorde enfin autant d’importance à ses personnages qu’à son concept, cela donne une petite bombe cinématographique au doux parfum transgressif. François Cau

Jusqu’à présent, les recettes de mise en scène de Vincenzo Natali se révélaient très simples derrière leur apparente complexité. Que ce soit dans Cube, Cypher ou Nothing, le but était avant tout de coincer un ou plusieurs protagonistes dans un dispositif labyrinthique en miroir, via un cheminement esthétisant tout en détours et répétitions appuyées. Ce schéma, qu’il s’extériorise dans la direction artistique (Cube et Nothing) ou dans la narration (Cypher), rendait systématiquement ses œuvres froides et hermétiques, peinait à convaincre le spectateur quand elles se réfugiaient dans des codes trop balisés du cinéma de genre - dont elles prétendaient initialement s’éloigner à travers des mises en scène très ambitieuses. Mais avec Splice, en concrétisant ce script qu’il travaille depuis dix ans, Vincenzo Natali s’écarte de ses gimmicks de réalisation. Certains plans inutilement chiadés sentent encore l’œuvre d’un petit malin s’apprêtant à déverser sa poudre aux yeux, mais la mise en scène s’apaise juste au bon moment et capte avec efficacité l’intimité psychologique perturbée de ses héros.

Les fiancés de Frankenstein

Soit un couple de grosses brutes en génétique, qui fait littéralement un enfant dans le dos de sa hiérarchie en croisant pour la première fois des ADN humain et animal. La croissance incontrôlable de la créature va bouleverser la relation entre les deux scientifiques, partagés entre les poussées d’hystérie tant professionnelle que personnelle. Ce qui est à l’œuvre pendant la longue mais passionnante installation, avant le basculement dans la folie horrifique, c’est ainsi la déconstruction d’un couple confronté à une multitude de tabous, à un mélange sinueux entre les désirs que suscite ce superbe monstre androgyne, interprété par une impressionnante Delphine Chaneac. Avec un culot totalement assumé, Vincenzo Natali déplace les enjeux habituels des déchirements sentimentaux en deux pièces / cuisine sur le terrain du fantastique le plus décomplexé : parfois très gore, toujours porteur d’une symbolique lourdement équivoque sur les perversions les plus dérangeantes de la cellule familiale, pour se faire finalement le chantre d’un féminisme hardcore pour le moins surprenant ! Pour la première fois, le réalisateur réussit totalement le projet amorcé dès son premier long : une fusion entre le cinéma d’auteur et le cinéma de genre, totalement assumé d’un bout à l’autre du film.

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