Chabrol ne rira plus…

Hommage / En hommage à Claude Chabrol, le Cinéma et Le Cinéma Opéra proposent 13 films du cinéaste, tirés des différentes périodes que ce metteur en scène à la rigueur parfaite et à l’ironie mordante a systématiquement marqué de son empreinte. Christophe Chabert

De tous les cinéastes de la Nouvelle Vague, Claude Chabrol est celui qui a le plus scrupuleusement appliqué le programme écrit entre les lignes des "Cahiers jaunes" où ces jeunes gens fougueux faisaient leurs armes critiques. Influence balzacienne dans l’ambition de raconter, de films en films, une vaste comédie humaine ; prédominance du metteur en scène qui pense le film en images sur le réalisateur qui se contente d’illustrer un scénario ; désir de faire entrer des corps nouveaux, synchrones avec l’époque, pour remplacer ceux, fatigués, du cinéma de studio ; goût du cinéma de genre, de la commande détournée, de l’hommage à ses pairs (Chabrol en avait deux : Fritz Lang et Alfred Hitchcock, oscillant de l’un à l’autre selon son humeur — il disait : «en vieillissant, on devient langien»). Prolixe, au prix de quelques faux-pas qu’il reconnaissait aisément, Claude Chabrol arrivait à marier la rigueur formelle et l’ironie mordante, ce qui dans ses meilleurs films se traduit par un caractère implacable mais jamais démonstratif dans la conduite du récit.

Jeux de massacre

Quelques exemples : dans "Les Biches" (1968), une jeune artiste de rue est recueillie par une bourgeoise oisive, avec qui elle démarre une liaison. Mais la bourgeoise refuse de voir sa créature lui échapper avec l’arrivée d’un beau séducteur (Jean-Louis Trintignant) et va lui rappeler avec violence la règle du jeu social. Des années après, "La Cérémonie" (1995) redistribue les cartes : la boniche analphabète incarnée par Sandrine Bonnaire devient un ange de la mort face à ses employeurs, bourgeois aveuglés par leurs réflexes de classe ; dialogue impossible entre deux mondes qui vivent sur des territoires piégés, avec leurs tabous, leurs fiertés et leurs codes. En 1994, Chabrol remake un film inachevé de Clouzot, "L’Enfer", portrait d’un mari dévoré par une jalousie psychotique. À l’arrivée, un grand film cauchemardesque et flippant qui fonctionne sur une spectaculaire gestion du temps : le récit, d’abord elliptique, ralentit jusqu’à adopter le temps réel mais déréglé par l’imagination fantasmatique du mari, joué par un François Cluzet au-delà du génial. À l’opposé de cette déflagration noire, "La Fleur du mal" (2003), un de ses derniers grand films, ose le polar déconnant autour d’une sombre histoire de chantage pendant une élection locale où la chef d’une famille de notables bordelais (Nathalie Baye, façon Alliot-Marie, hilarante !) se présente. Chabrol s’y livre à un réquisitoire contre les lâchetés planquées sous le tapis de l’histoire ou des dynasties bourgeoises. L’ironie chabrolienne y est à son point culminant ; elle nous manque déjà.

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