L'évangile selon saint Luis

Avec "Viridiana", à l’affiche de la ciné-collection en novembre sur les écrans de l’agglomération, Luis Buñuel signait une œuvre provocatrice, où la religion, la pauvreté et la bourgeoisie étaient également et magistralement piétinées. CC

Au moment du triomphe de l’œcuménisme scolaire de Xavier Beauvois, de ses hommes et surtout de ses dieux, le GRAC joue les trublions en reprenant sur ses écrans "Viridiana" de Luis Buñuel. À l’époque — 1961 — l’œuvre fut jugée blasphématoire et le cinéaste, qui avait déjà eu toutes les peines du monde à revenir dans son pays natal (l’Espagne) assommé par la censure franquiste, n’y fit qu’un petit tour avant de retourner voir ailleurs s’il y faisait meilleur. Aujourd’hui, c’est peu dire que le film n’a rien perdu de sa puissance provocatrice. Viridiana, jeune femme pure et pleine de bonté chrétienne, s’apprête à rentrer dans les ordres. La mère supérieure lui conseille toutefois d’aller rendre une dernière visite à son oncle, récemment veuf, avant de se retirer du monde. L’oncle en question, riche bourgeois vivant dans une immense demeure entouré d’employés et de domestiques, est troublé par la présence de sa nièce, au point d’enfiler secrètement son corset et ses chaussures à talons. Puis, il lui demander de parader dans la robe de mariée de son épouse défunte. Dans cette première partie, Buñuel charge tous les plans d’un maximum de trouble érotique et libidinal : il faut voir avec quelle délectation il filme Viridiana retirant ses bas et découvrant ses jambes nues pour saisir la perversité du cinéaste, qui met à nu sa vierge pour mieux la soumettre au désir des hommes.

Cène infernale

Cela fait, Buñuel n’en est qu’à la moitié de son film. Une tentative de viol, un suicide, ce n’est encore pas assez ; il faut maintenant faire subir les derniers outrages à la religion, tout en portant un regard plein d’ironie subversive sur la lutte des classes. Héritant de la propriété de son oncle, Viridiana décide d’en faire un asile pour les pauvres et les éclopés du village. Pour Buñuel, c’est l’occasion d’un défilé de tronches cassées à la Jérôme Bosch, mais c’est surtout un tremplin vers le terrible final, où les pauvres profitent de l’absence des maîtres pour organiser une orgie dont le point d’orgue est une séance photo où les convives reprennent exactement les poses des apôtres dans "La Cène" de De Vinci. Reproduction païenne, grotesque, sale, comme une réponse rageuse à la charité chrétienne qui n’est qu’une autre forme de condescendance bourgeoise. La mise en scène de Buñuel, ample, à la fois chaotique et fluide, propulse cette séquence inoubliable au firmament du 7e art, où l’enfer a bien plus sa place que le paradis.

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