Zoom / Depuis une quinzaine d'année, Jean-Charles Masséra (né en 1965) écrit des livres, des pièces radiophoniques ou des textes pour le théâtre ("We are l'Europe" présenté l'an dernier aux Ateliers notamment). Autant de formes toujours très drôles qui s'immiscent dans ce qu'il appelle «le langage de l'ennemi», pour mieux le questionner, le critiquer, en pointer les sous-entendus et les contradictions. L'ennemi pouvant être, aussi bien, le discours des médias dominants que celui du management, du technocrate, de l'homme de gauche ou de droite bien pensant, des organisations internationales, etc. Le monde est farci de phrases-valeurs toutes faites, d'idéologies tacites. Et Masséra n'a de cesse de les traquer où qu'elles se trouvent, et surtout dans notre vie quotidienne : le travail, les relations amicales et amoureuses. À l'institut d'art contemporain, il poursuit sa critique roborative à travers de nouvelles formes : chansons, vidéos, photographies... Comme pour Saint-Thomas, il s'agit de toucher du doigt de manière plus concrète encore cette aliénation de l'homme contemporain occidental. À l'IAC on pourra entendre par exemple un «Financial opera» composé d'extraits de discours d'actionnaires de multinationales en assemblée générale. On pourra voir un «road-movie» vidéo où un adolescent découvre l'Europe de l'Est («Ok, ils sont dans l'Union Européenne, mais bon, moi, si on me dit on va habiter en Pologne, moi je vais en internat», lâche l'adolescent), ou bien un autre film (intitulé «Le mec et la nana qu'ont un peu d'mal à enchaîner») où un couple se dispute avec quelques citations de philosophes insérées dans leurs échanges. Masséra expose encore des images-textes où des paroles ordinaires sont imprimées sur des photographies de sous-bois, d'aires d'autoroutes, de métro ou de places boursières, créant ainsi des effets de décalage et d'étrangeté... Par ses traits d'humour, ses mises en perspective, ses croisements incongrus, sa façon de fouiller l'idéologie jusque dans le plus intime et le plus banal, Jean-Charles Masséra tord le cou à la bêtise contemporaine et pose quelques questions essentielles, voire existentielles. Avec lui, la résistance commence toujours par l'humour...
Jean-Emmanuel DenaveJean-Charles Masséra, «
Kiss my mondialisation»
À l'Institut d'art contemporain de Villeurbanne, jusqu'au dimanche 28 novembre