Bilan du 31e festival du film court de Villeurbanne : pas de véritable choc dans la compétition française, mais quelques films réussis qui dessinaient de beaux univers d'auteurs, sur la forme ou sur le fond.Christophe Chabert
Bilan / Avant le début du festival du film court de Villeurbanne, Laurent Hugues, son directeur, parlait d'une compétition française «hétérogène dans sa forme» : il n'avait pas tort, tant les films se ressemblaient peu entre eux. À leur meilleur, les films offraient des propositions qui, sans être foncièrement originales, témoignaient d'une maîtrise du récit ou de la mise en scène qui les plaçaient bien au-deçà d'un coup d'essai. Ainsi de "Ya basta !" de Gustave Kervern et Sébastien Rost (Prix du public), une réjouissante comédie rentre-dedans sur des handicapés qui utilisent leurs «talents» pour commettre un casse. Moins expérimental que les réalisations de Kervern dans le long, le film tient toutefois son objectif : faire rire sans se poser des questions de morale, les remplaçant par un humanisme cru façon frères Farelly. Autre beau film du festival, "Petit tailleur" de Louis Garrel (Prix Petit Bulletin) se lit comme une transposition fictionnelle de la situation de son auteur. L'hésitation d'Arthur entre son travail de tailleur et sa rencontre avec Marie-Julie, actrice caractérielle, est aussi celle de Garrel, entre son statut de cinéaste héritier d'un cinéma très français (la Nouvelle Vague mais aussi les films de son père) et son rôle d'acteur identifié à une famille artistique finalement étroite.
Fièvres
Intéressant aussi, le nouveau film d'Hendrick Dusollier "Babel" ressemble à du Jia Zhang-Ke filmé par Zach Snyder : un regard stylisé sur le choc entre la Chine paysanne et le Shanghaï moderne en pleine expansion urbaine. C'est très beau, mais le propos paraît léger par rapport aux images somptueuses composées par Dusollier. On pourrait reprocher la même chose au film qui a obtenu le Grand Prix du festival, "Le Rescapé" d'Aurélien Vernhes-Lermusiaux. À force de privilégier les creux de son récit, le réalisateur confond mystère et pose, distanciation et glacis esthétique. L'autre grand vainqueur du palmarès était aux antipodes de ce cinéma un peu engoncé dans sa forme : "L'Amour-propre" de Nicolas Silhol raconte l'intimité dépressive et torturée d'un comique populaire en tournée. La force du film tient à ses constants contre-pieds scénaristiques (le Prix du scénario n'était pas usurpé), son instabilité narrative au diapason de celle de son personnage. La mise en scène, classique mais toujours juste et précise, sait créer un malaise durable, une fièvre qui est aussi celle de son acteur, l'impressionnant Xavier Gallais. Dans un 31e festival placé sous le signe de l'amour, "L'Amour-propre" (même s'il aurait pu s'appeler "La Haine de soi") était le meilleur film de la compétition.