En attendant Baudo

Entretiens croisés / L’événement est de taille XXL. Serge Baudo dirige l’Enfance du Christ de Berlioz à l’Auditorium et renoue avec l’Orchestre National de Lyon - dont il fut directeur musical de 1972 à 1987. L’occasion de retrouver les Chœurs de Lyon/Bernard Tétu avec une émotion débordante. Serge Baudo et Bernard Tétu se dévoilent et livrent leur lecture d’un oratorio resplendissant. Propos recueillis par Pascale Clavel

Petit Bulletin : Quelles ont été vos plus grandes émotions avec l’Orchestre national de Lyon ?
Serge Baudo : J’ai passé une grande partie de ma vie avec l’ONL. J’ai commencé avec eux en 1968/69 et je ne les ai quittés que 20 ans plus tard. J’ai partagé leurs joies, leurs peines, les difficultés et les moments enthousiasmants. Nous avons été le premier orchestre européen à aller en Chine, c’était une grande aventure. J’ai pratiqué un travail de pionnier : on a fait ensemble l’Europe centrale, le Festival de Vienne, Prague, une tournée aux États-Unis. Il faut 50 ans pour faire un bel orchestre. Je ne peux être qu’ému et heureux de retrouver tous ces musiciens.Et côté chœurs ?
SB : À l’époque, j’ai demandé à Bernard Tétu de créer un chœur à côté de l’ONL. Mais je n’avais pas un centime et pas un chanteur. Le projet était donc une gageure. Il a accepté tout de suite ce combat de pionnier et l’a fait avec maestria. Nous sommes parvenus à faire des miracles. Nous sommes nourris tous les deux de musique française, nous la percevons à travers les pores de notre peau. Nous avons aussi le même sens de la respiration musicale, il ne faut jamais oublier que la respiration explique et traduit la musique. Ma plus grande émotion avec les chœurs et l’orchestre reste le Stabat Mater de Poulenc. Les gens étaient bouleversés. Vous qui connaissez par cœur la partition de L’Enfance du Christ, comment allez-vous l’aborder cette fois ?
SB : Je vais aborder cette œuvre comme toujours, avec humilité, en reprenant la partition comme si c’était la première fois que je la dirigeais, c’est le secret. Quand je reprends une partition, j’ai toujours peur de la routine et je veux tourner les pages comme si c’était une première fois. L’Enfance du Christ est un véritable bijou. Berlioz n’était pas un Chrétien très pratiquant et cependant il écrit là une partition unique faite de légèreté et de transparence. Ce qui me frappe chez ce compositeur, c’est qu’il nous détourne toujours de l’axe principal. Par exemple, dans son Roméo et Juliette, il n’y a ni Roméo ni Juliette. Il s’agit en fait d’un grand «reportage» dans les deux familles. Pour l’Enfance du Christ, c’est pareil, on est dans un film. On se promène dans le Saïs, à Jérusalem avec toutes les joies et les douleurs qui tombent sur les épaules de Joseph et de Marie. Et puis, il y a ce passage inouï où Hérode chante un air sublime, musicalement exceptionnel. C’est une œuvre rare.Comment entrez-vous dans le travail avec l’orchestre à la première répétition ?
SB : Je rentre dans la musique tout de suite, je ne donne pas immédiatement des explications sur le sens du texte. Je dis souvent que la musique exprime tout. C’est la musique qui a la force de parole la plus puissante. Une fois que l’on commence à trouver le chemin de l’œuvre, je vais plus loin en leur disant ce que je recherche. Comment s’est noué votre destin musical à celui de Serge Baudo ?
Bernard Tétu : Quand Serge Baudo m’a fait venir à Lyon, il avait juste entendu un enregistrement d’un Debussy que j’avais dirigé sur France Musique. C’est sur «Dieu, qu’il la fait bon regarder» à la radio que Serge Baudo a voulu travailler avec moi. C’est une belle collaboration fondée sur une réalité esthétique, on aimait tous les deux Debussy. Une complicité s’est établie à ce moment-là. Musicalement, nous nous sommes entendus tout de suite. Ce qui nous rapproche également, c’est une certaine forme d’humour, de distance, une manière de prendre les choses au sérieux sans trop se prendre au sérieux et puis, comme Serge Baudo, je suis un grand défenseur de la musique de Berlioz. Avec les chœurs, comment allez-vous aborder L’Enfance du Christ ?
B.T : C’est une œuvre que j’ai dirigée souvent. Il faut que les chanteurs soient disponibles pour qu’au moment du concert, tout soit possible. La performance de Berlioz dans cette œuvre, c’est de parvenir à rendre Hérode presque touchant alors qu’il va faire assassiner des enfants. Lorsque Marie et Joseph demandent l’hospitalité, le discours musical est simple, il ne faut donc pas en rajouter, je demande aux choristes de le faire presque naïvement. Berlioz a choisi d’écrire une partition un peu «rétro» et ce petit décalage archaïque a tout son charme. La naïveté, c’est une façon de rendre ces personnages touchants comme, pendant des siècles, on a fait des vitraux dans les cathédrales pour ceux qui ne savaient pas lire. L’Enfance du Christ est une œuvre assez simple, peut-être pour que les gens retrouvent leur âme d’enfance.

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