Le Grand Amour

De et avec Pierre Etaix (1968, Fr, 1h27) avec Annie Fratellini, Nicole Calfan…

La filmographie de Pierre Etaix a été invisible de nombreuses années pour de mesquines raisons de droit ; un imbroglio juridique qui a eu pour effet de priver un artiste de la possession, de l’exploitation et de l’entretien de ses propres œuvres. L’affaire a bien évidemment et heureusement ému la communauté cinéphile, à grands renforts de louanges des films de cet ancien assistant / gagman de Jacques Tati. Une fois justice rendue et restauration opérée avec brio par Carlotta Films, c’est avec une certaine expectative qu’on découvrit des films qu’on nous avait présenté pendant des années comme des fleurons de l’humour français, voire des pierres angulaires du 7e art national. Certes,  la vision du Grand Amour révèle l’influence indéniable de l’artiste sur bon nombre d’auteurs, pour ne pas dire son importance fondamentale dans la construction de l’image désormais intouchable de Tati. Mais en lieu et place d’un chef-d’œuvre définitif et immédiat, nous avons plutôt affaire à un film modeste et touchant, étonnamment désenchanté dans sa vision désacralisée du couple et des rapports bourgeois en général, où Etaix campe avec grande justesse son personnage privilégié d’Auguste au romantisme amer. Il ne faut pas s’attendre à des tornades de rires, à une avalanche de scènes cultes, mais bien à l’expression d’une poésie discrète, s’autorisant des digressions oniriques au charme entêtant. Pour résumer, après avoir patienté plus d’une trentaine d’années pour (re)voir ses films, il va falloir attendre la fin de la hype autour de sa filmographie pour savourer convenablement l’œuvre de Pierre Etaix !
FC