De plateaux en platines

Avec Impermanence, Agoria livre l’album qui reflète le mieux son amour pour les musiques de cinéma, les découvertes vocales et la techno toujours tournée vers Detroit. Parcours et portrait d’un électron lyonnais qui tutoie librement les sommets. Stéphanie Lopez

Il était parti pour être assistant réalisateur, il est devenu Dj et producteur. Sans regret. Sans s’étonner non plus si, aujourd’hui, le cinéma revient naturellement vers lui. Il faut dire qu’Agoria n’est pas du genre à cloisonner les univers, son parcours musical ressemblant depuis Blossom à un bouquet multicartes, multicolore et grand ouvert. En 2004 déjà, sa première compile mixée s’ouvrait sur le thème de Mulholland Drive. L’influence de Badalamenti ressurgissant quatre ans plus tard sur la bande originale de Go Fast, une musique de film qui tourne à l’album perso, rien d’étonnant non plus si, aujourd’hui encore, les ambiances de salles obscures continuent d’imprégner des morceaux comme Under The River. Chez Agoria comme au Rex Club, sa résidence parisienne, les clubbers ne sont jamais loin des salles de cinéma. «C’est vrai. Il se trouve qu’on m’a proposé de faire la musique du film Viva Riva (sortie au printemps dans les salles – NdlR) pendant que je travaillais sur Impermanence. Finalement, je n’ai pas été retenu, mais j’ai quand même utilisé les ébauches que j’avais composées, ce qui m’a donné pas mal de matière pour l’album. Depuis Go Fast, je reçois diverses propositions de BO, et je suis plutôt heureux que le cinéma vienne vers moi. D’ailleurs plus ça va, et plus je vois des similitudes entre l’écriture scénaristique et la composition d’un morceau. J’espère qu’un jour j’aurai le temps de faire les deux»OVERBOOKÉ
Le temps. Voilà sans doute la chose qui manque le plus, depuis quelques années, dans l’agenda proprement surbooké du plus fameux Dj lyonnais. Entre ses résidences au Rex et à Sao Paulo, son label InFiné, ses productions, remixes et tours du monde en 80 000 soirées, Sébastien Devaud ne touche plus souvent terre entre Bellecour et les Terreaux. À tel point que pour l’interviewer, il nous faut désormais caler un créneau téléphonique, à Londres, alors qu’il s’apprête à jouer le soir même à Fabric. Le prestigieux club anglais l’a d’ailleurs sollicité pour réaliser le prochain volet de ses compiles mixées : après Cute & Cult, At The Controls et Balance l’an passé, Agoria s’apprête donc à sortir son quatrième Dj mix. Un exercice qu’il affectionne particulièrement, et qu’il considère comme un laboratoire annexe. «C’est un peu le pendant "Dr Jekyll" de mes Dj sets, le reflet de la musique que je joue en soirées, avec encore plus de liberté. J’aime beaucoup me prêter au jeu en mélangeant des tracks qui sont à priori hétérogènes et hétéroclites. C’est ce travail de puzzle qui m’excite». À l’instar de Laurent Garnier, avec qui il a d’ailleurs livré un ping-pong en osmose lors des dernières Nuits Sonores, Agoria fait partie de ces Dj’s pluralistes pour qui un bon mix, c’est d’abord une histoire, un voyage qui prend du sens sur la durée. «J’aime pouvoir jouer pendant 5 ou 6 heures d’affilée, pour avoir le temps d’emmener les gens dans un maximum de styles musicaux».PANORAMIX
Tel un Panoramix de l’électro, ses disques et ses Dj sets offrent ainsi une vision grand angle de la techno, qui joue sur tous les paysages (acid, house, minimale…) et sur tous les tempos. Avec un virage plus pop qui se confirme sur Impermanence, Agoria participe à distance au renouveau du son de Detroit, en poussant notamment Carl Craig à donner de la voix : cela donne Speechless, un titre qui ajoute le mythique producteur de Planet E sur la prestigieuse «vocal guest list» de sa discographie. Même si, après avoir fait chanter des divas de la trempe de Neneh Cherry, Tricky ou Peter Murphy, Sébastien reconnaît aujourd’hui «avoir fait le plein de name dropping. Autant sur mes premiers albums, je rêvais de produire ces gens que j’admirais, autant sur Impermanence, il s’est passé l’inverse. J’ai laissé la voie ouverte à de nouveaux guests, au hasard des rencontres et du feeling». En ce sens, Impermanence révèle aussi un flair majeur, derrière la patte du producteur : Agoria s’avère un fin limier pour dénicher de nouvelles voix. On lui doit notamment sur cet album la découverte de Kid A, une chanteuse black de Washington qui déconcerte par sa voix lutine et diaphane, plus proche de Björk que de Nina Simone. Surprise aussi avec Scalde, avec qui Little Shaman atteint des sommets de transe pointilleuse et pointilliste, à mille lieues des tandems pop-house de Go Fast. Entre celui qu’Agoria considère comme «le plus talentueux musicien lyonnais» et le producteur, l’aventure se pérennise. Elle donne même un supplément d’âme à cet album, qui, s’il revendique l’impermanence dans son titre, pourrait pourtant bien marquer son époque, en lui offrant une BO cosmopolite.AGORIA
Au Transbordeur, vendredi 4 février

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