Leçon de ténèbres

Sur les soixante écrivains présents pendant le festival Quais du polar, petite sélection de cinq auteurs et présentation de leurs ouvrages

QUAIS DU POLAR
Vendredi 25 mars, samedi 26 et dimanche 27 se tiendra la septième édition de Quais du polar. Plus de soixante auteurs de littérature policière et de bande dessinée seront présents pour des rencontres et des conférences, en accès libre pour la plupart. Une sélection de films sera également proposée, notamment à l'Institut Lumière, autour du thème de la corruption, avec la projection de The Red Riding Trilogy inspirée des romans de David Peace, et en sa présence (les trois épisodes seront diffusés samedi 26 mars, à partir de 18h). Pendant les trois jours du festival, on retrouvera bien sur des lectures, mais aussi des initiatives comme les “conversations autour d'une oeuvre“ au Musée des Beaux-Arts. Soit l'occasion de découvrir une pièce de la collection du Musée à travers le regard d'un auteur de roman noir.

QUAIS DU POLAR
Vendredi 25, samedi 26 et dimanche 27 mars

 LARS KEPLER
Vendredi 25 mars à 16h30 et samedi 26 mars à 15h30, à la CCI

Sous le nom de Lars Kepler, se cache un couple de Suédois qui s'est fait connaître en France grâce à la parution de son premier roman noir à succès, L'Hypnotiseur. Dans ce polar qui tient beaucoup du thriller psychologique, l'intrigue s'amorce autour du massacre sanglant de la famille Ek. Seul rescapé de la tuerie, le jeune Josef devient dès lors témoin clef de l'affaire. Un témoin qu'il s'agit de faire parler, sous hypnose s'il le faut, et autour duquel le mystère va croissant. Ce roman illustre à merveille ce que le polar a de contemporain. Loin du roman policier à clef d'une Agatha Christie, chez laquelle le moindre lapsus prenait des allures de preuves irréfutables, ce récit de Lars Kepler introduit la peur chez ceux-là même qui semblaient préservés par le pacte de non atteinte du détective ou du médecin. Nul point d'accroche, nulle instance auprès de qui trouver refuge : le lecteur est confronté à un univers complexe, contradictoire et immaîtrisable dans lequel la violence est autant l'apanage d'une société que d'un tueur. Ce duo d'écrivain a composé dans l'ambiance d'un Stockholm glacial des pages brutales, impitoyables, effrayantes. Affreusement plaisant.

 JOHN HARVEY
Samedi 26 mars à 11h à l'Hôtel de Ville et dimanche 27 mars
à 11h au Musée des Beaux Arts de Lyon

Comme Simenon est associé à Maigret et Chandler à Marlowe, John Harvey, plume de choix du polar anglais, est inséparable de son personnage, Charles Resnick. Présent dans près de dix des titres de l'auteur, ce policier attaché au commissariat de Nottingham, Polonais d'origine, confère aux enquêtes mises en place ce petit surcroît d'une personnalité attachante sans quoi le mystère perdrait de son intérêt. Resnick aime les chats et le jazz, ce qui donne aux intermèdes que constituent les instants glanés de sa vie le long des pages, quelque chose d'une solitude poétique séduisante. Au cours des histoires, «les sonorités lustrées de la trompette de Clifford Brown» nous parviennent «douces comme de la fumée» et le style semble se modeler sur ces mélodies : toujours juste. Le regard de l'auteur ne fuit toutefois pas la réalité d'une société dont il n'hésite pas à faire émerger les failles, sans se départir néanmoins de cette empathie qui le caractérise. Une certaine douceur dans le point de vue peut-être propre au personnage Resnick qu'il fait évoluer en vieillissant (Now's the time) vers une sorte de détachement tout de quant-à-soi british. Urbain et racé, du polar grand style !

 SERGIO GONZALEZ RODRIGUEZ
Samedi 26 mars à 15h30 à l'Hôtel de Ville et à 17h30 à la CCI, dimanche 27 mars à 14h à la CCI

Roman sans fiction, Des os dans le désert, écrit par le journaliste Sergio Gonzalez Rodriguez, raconte la disparition de près de 500 femmes, survenue dans la ville mexicaine de Ciudad Juarez entre 1993 et 2007. Davantage que la relation d'un faitdivers macabre, l'auteur adopte un point de vue surplombant qui lui permet d'englober ces disparitions dans une réflexion sur la frontière, lieu crépusculaire, sorte de quatrième dimension. Pour lui, «l'histoire est un paysage complexe issu de la géographie et de la culture», il s'attache dès lors à décrypter les éléments en jeu dans le mécanisme de cette violence déferlante. Stratégie de domination masculine, milieu du crime organisé, trafic de drogue érigé sur une structure patriarcale, tout semble s'imbriquer pour tracer peu à peu les contours de l'horreur. Alternant la chronique et l'essai, Sergio Gonzalez Rodriguez développe dans cet ouvrage une belle vision de ce que la littérature peut avoir de puissant, allant même jusqu'à définir la narration comme une «forme de raisonnement crucial, seule capable de comprendre les réalités humaines». On lit ce livre comme on découvre l'enfer.

 MEGAN ABBOTT
Samedi 26 mars à 15h30 à l'Amphi Opéra et dimanche 27 mars
à 14h30 à l'Institut Lumière

Pendant longtemps, le détective de polar a pris dans l’imagination collective les traits d'Humphrey Bogart, s'inscrivant dans le triptyque de choc : boire, séduire, tuer. Cigarette au coin des lèvres, flegme à toute épreuve, une esthétique très “Dashiel Hammett“, maître du genre. C'est non sans joie que nous retrouvons sous la plume de Megan Abbott, dans son roman Absente, un peu de cette atmosphère rétro fifties. Autour de la disparition d'une aspirante actrice, fait-divers non élucidé survenu à Hollywood, l'auteur met en place une galerie de personnages dessinés à traits précis et convaincants. De la fille de ferme aux «dents épaisses et blanches comme du savon Ivory», à Maureen, la secrétaire au nez retroussé, du bout d'un collant résille, à la boucle d'une chevelure au-dessus d'un verre de bourbon, tout est délicieusement vintage. Mais ne nous y trompons pas, Megan Abbott nous introduit dans un univers de pellicule filmique noir et blanc pour mieux dévoiler les bas-fonds d'un mythe : Hollywood fabrique la désillusion, le faux-semblant et le meurtre.

 ANTONIN VARENNE
Samedi 26 mars à 18h30 et dimanche 27 mars à 11h, à la CCI

Lire Antonin Varenne, c'est entrer dans une sorte de métaphysique du crime et comprendre qu'une enquête n'est pas simple recherche d'indices, mais aussi «quête de sens». Une quête dans les viscères du meurtre, lesquelles doivent mener, selon lui, à la compréhension d'une société toute entière. Le tueur est en effet pour Varenne une image de notre monde, son «outil hors de contrôle, son symptôme». Dans Le Fruit de nos entrailles, il mettait ainsi en scène un tueur en série d'artistes, symboles selon lui de l'impuissance de notre temps à la création. Le tueur voulait changer l'agencement de la matière, mais n'y parvenait que par la violence incontrôlée de sa pulsion. «Un auteur de polar ne claque jamais la porte sur la vie», écrit Robin Cook. De la vie urbaine contemporaine, Antonin Varenne décrypte un Paris de banlieues ou de club underground sado maso (Fakirs), d'errance et d'architecture de la laideur. Les personnages sont atypiques, à la marge, observateurs d'un temps qu'ils ne comprennent pas, seuls comme une fenêtre de l'immeuble de La Défense «visible mais anonyme, allumée mais bientôt éteinte».

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