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Easy money

Polar sur fond de crise sociale et financière suédoise, ce film très noir est plombé par une mise en scène tape-à-l’œil, dont les tics constants agitent inutilement un scénario déjà très touffu. Christophe Chabert

Une des meilleures idées d’"Easy money", c’est de faire de la crise financière non pas un enjeu, mais un fait, un pur décorum accepté par tous et avec lequel il faut littéralement se démerder. JW, l’anti-héros et pivot du film, en tire doublement les conséquences : brillant étudiant dans une grande école de commerce, il a le tort de ne pas être un fils à papa, et doit donc faire le taxi de nuit pour un employeur douteux qui se livre par ailleurs à des business louches. Quand il s’impliquera dans une grande importation de cocaïne (celle que consomment par seaux entiers ses potes bourges insouciants de leur avenir), ses connaissances en matière de banques pratiquant le blanchiment d’argent sale lui permettront de devenir un conseiller financier précieux. La fatalité sociale, les liens entre une économie légale délictueuse et des économies parallèles florissantes ; cette matière forme le nœud politique de ce polar qui flirte avec le film chorale, puisqu’il suit aussi deux autres personnages nettement plus clichés — un dealer espagnol évadé de prison et un truand serbe tentant un dernier coup avant de rentrer à Belgrade avec sa petite fille. L’idée est intéressante (ne montrer que des crapules tout en peignant leurs conflits intimes), mais la reproduction du même motif souligne surtout le caractère mécanique du récit.

L’énergie du désespoir

Cette impression, la mise en scène de Daniel Espinosa la renforce jusqu’au ridicule. La première séquence, celle de l’évasion, est filmée à l’énergie, caméra à l’épaule proche des corps et jump cuts fulgurants donnant un sentiment d’immersion physique dans l’action. Pas mal, se dit-on. Mais quand le film s’attarde sur des fêtes arrosées ou, pire, quand il dépeint l’histoire d’amour impossible entre JW et une jetsetteuse friquée, Espinosa conserve la même grammaire stylistique, comme s’il était incapable de laisser entrer du temps et de l’espace dans ses plans. Le montage devient alors particulièrement absurde, faisant des allers-retours intempestifs réduisant l’image à des fragments déconnectés sans produire le moindre sens à l’écran. Comme chez Iñarritu, auquel on pense souvent (même si le film aurait sans doute aimé être le Pusher suédois), cette peur de ne pas «faire cinéma» dérive vers une virtuosité permanente plaquée jusqu’au contresens sur les séquences. En cela, "Easy money", malgré sa noirceur, se rattache un peu trop à l’idée dorénavant admise d’un cinéma européen qui ne se distinguerait de ses amis américains que par des tics stylistiques et auteurisants.

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