Nos petites bulles - Mars 2011

Chaque mois, la sélection BD du Petit Bulletin. Mars 2011 : où il est question de fascistes, de vampires, de pirates, d'assassins et de musiciens. Voici les BD qui ont retenu notre attention le mois dernier. Benjamin Mialot

Skraeling – Tome 1 (Ankama)
Scénario : Thierry Lamy Dessin : Damien Venzi
N'écoutez pas les nerds blasés qui n'ont vu dans le premier tome de Skraeling qu'une copie en aluminium brossé du chef d’œuvre animé Jin-Roh. Thierry Lamy et Damien Venzi sont les premiers à le reconnaître : l'uchronie antifasciste de Mamoru Oshii et Hiroyuki Okiura compte parmi leurs œuvres de chevet. Quant à leur série, qui conte la prise de conscience progressive de Köstler, prodige du pistolet Mauser C96 au service d'un état totalitaire aux forts relents de IIIe Reich, elle mérite autant le détour que le Block 109 de Brugeas et Toulhoat (chez Akiléos). Pour son photoréalisme au teint de cendre et de chair, pour son design déshumanisé à faire passer les Space Marines de l'univers Warhammer 40, 000 pour des Ours d'or Haribo et surtout pour la fluidité et la virulence de son histoire. Soyez par contre prévenus : comme la guerre physique et psychologique que livre le Weltraum, Skraeling est sale. Très sale.American Vampire -Tome 1 (Panini Comics)
Scénario : Stephen King et Scott Snyder Dessin : Rafael Albuquerque
Il existe, chez les lecteurs de comics, une règle tacite aussi infaillible que celle de trois en mathématiques : tout ce qui est frappé du sceau Vertigo est mature, inventif, caustique, bref génial. On ne sera pas aussi enthousiaste vis-à-vis d'American Vampire, mais force est de reconnaître, une énième fois, que le label fondé par Karen Berger en 1993 est un modèle de constance qualitative. En partie scénarisée par Stephen King, qui signe là son premier travail original dans le monde du neuvième art (La Tour Sombre et Le Fléau n'étant que des adaptations des romans du même nom), la série se pose comme une relecture du mythe du suceur de sang. On la déconseillera cependant aux fans des bellâtres au teint pale de Twilight : ici, qu'ils naissent en pleine Conquête de l'ouest après un braquage raté ou à Hollywood dans les années 20, les vampires ont la canine dure et ne craignent pas le soleil. Autant dire que ça charcle.De chair et d'écume– Tome 1 (Dargaud)
Scénario et dessin : Wanderer
A peine avons-nous eu le premier tome de De chair et d'écume entre les mains qu'un profond sentiment d'impuissance nous a submergé. La faute à sa couverture, à sa typographie art-déco qui ne manquera pas de piquer l'intérêt des fans du jeu BioShock, à cette eau vert-de-gris et ce couchant pourpre qu'on jurerait colorisés par Richard Isanove. Car on aura beau s'étendre sur la virtuosité avec laquelle Wanderer jongle avec contrastes (cadrages cinématographiques contre pliages de perspectives, visages caricaturaux contre décors grandioses) et sur l'attractivité de son scénario, à cheval entre la chasse au trésor, la quête vengeresse et l'épopée fantastique (sous le coup de la tristesse et de l'alcool, le dénommé Francisco De Graaf en dit trop à des brigands sur le trésor qu'est sur le point de dénicher son père), elle restera la meilleure avocate de ce premier tome riche de promesses. Vite, la suite.Les larmes de l'assassin (Futuropolis)
Scénario et dessin : Thierry Murat
En matière d'assassins compatissants, on connaissait le Crying Freeman de Kazuo Koike et Ryoichi Ikegami. Celui imaginé par Thierry Murat est d'un autre genre. Il se nomme Angel Allegria, est plus un sale type qu'une implacable machine à tuer, n'est pas japonais mais chilien, et ce n'est pas pour une belle jeune femme qu'il va se prendre d'affection, mais pour un gamin : Paolo, dont il élimine les parents négligents dans l'idée d'utiliser leur ferme comme planque. Inspiré d'un roman jeuesse d'Anne-Laure Bondoux, Les Larmes de l'assassin évoque un temps le Monde parfait de Clint Eastwood, mais s'en éloigne rapidement avec l'arrivée d'un demandeur d'asile d'un autre genre en la personne de Luis Secunda, jeune héritier décidé à vivre en vagabond pour faire bisquer sa famille. Le road trip immobile entrevu cède alors la place à un huis-clos contemplatif et humain d'une élégance monochrome à couper le souffle.Le livre-disque du mois
La Maison de pain d'épice (Dupuis)Scénario et dessin : Cleet Boris
Mais qui est donc Cleet Boris ? Nul autre qu'Hubert Mounier, lyonnais de souche et ex-chanteur de l'Affaire Louis' Trio (Chic planète, Mobilis in mobile, Le Capitaine... souvenez-vous). Deux identités pour deux activités créatives bien distinctes, qu'il combine pour la première fois avec La Maison de pain d'épice, quatrième album solo et petit bouquin coloré aux airs de making-of. Pas un de ces making-of lisses et satisfaits dont les éditeurs de DVD sont friands. Plutôt un carnet de bord introspectif qui, derrière sa ligne claire et ses aplats pop de grande classe, aborde avec une même honnêteté désastres (son licenciement discographique, feu son alcoolisme), avis sur l'actualité (les télé-crochets, le décès d'Henri Salvador), lots de consolation (la vie au grand air, la paternité) et affres de la création (featuring Benjamin Biolay, tour à tour bon pote et diva égoïste). Passionnant.Et aussi...
Creepshow (Soleil) : Réédition bienvenue de la version papier d'une anthologie horrifique écrite par Stephen King et filmée par George A. Romero en 1982. Dessinée à l'ancienne par Bernie Wrighston, elle est à l'image des comics des années 50 auxquelles elle rend hommage (Tales from the Crypt en tête), un bijou d'humour macabre.D.R. et Quinch (Soleil) : Une œuvre de jeunesse de l'immense Alan Moore (Watchmen) et d'un Alan Davis encore à la recherche de son style caoutchouteux. Narrant les méfaits de deux délinquants extra-terrestres, D.R. et Quinch est tout ce que l'on est en droit d'attendre de ses auteurs : irrévérencieux, perché, iconoclaste... Culte quoi.All-Star Superman (Panini Comics) : Sur le modèle des douze travaux d'Hercule (Superman n'a plus que douze mois à vivre et encore beaucoup à accomplir), Grant Morrison et Frank Quietly réussissent le pari de rajeunir le porte-drapeau des éditions DC sans en dénaturer le caractère iconique. Classique instantanné.Le Chanteur sans nom (Glénat) : L'histoire de Roland Avellis, chanteur masqué et anonyme qui fraya dans les années 30 et 40 avec les grands de la variété française (Piaf, Aznavour...). Dépassant le cadre étriqué de la biographie à bulles, Arnaud le Gouëfflec et d'Olivier Balez signent une tragédie douce-amère et d'une belle expressivité formelle.Les Origines du chaos – Tome 1 (Dargaud) : Un poil trop bavard mais d'une remarquable clarté compte tenu de son contexte (Londres circa Guerre froide et ses immigrés yougoslaves en toile de fond, Tito en ligne de mire), un solide thriller historique, dans la veine des Serpents aveugles. Logique, Bartolomé Segui et Felipe Hernandez Cava sont aux commandes des deux.

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