Nos petites bulles - Juillet 2011

Chaque mois, la sélection BD du Petit Bulletin. Juillet 2011 : où il est question d'une quête de gloire, d'une quête de vérité, d'une quête d'amour, d'une quête de territoire et d'une quête de bonheur. Voici les BD qui ont retenu notre attention le mois dernier.

Bourbon Street – Tome 1 (Bamboo) Scénario : Philippe Charlot Dessin : Alexis Chabert Pas assez accrocs à la petite lucarne pour vous abonner au bouquet La TV d'Orange et pas assez technophiles pour télécharger une série au lendemain de sa diffusion ricaine, vous vous languissez de Treme, la dernière série en date de David Simon ? Voici de quoi tempérer votre impatience. Non pas que Bourbon Street rivalise avec la verve sociologique et le storytelling romanesque du créateur de l'indépassable show policier The Wire. Non, c'est dans la méticulosité avec laquelle il met en case ce mélange de joie de vivre, de douleur, de distinction et de misère caractéristique de la Nouvelle-Orléans et du jazz que le diptyque de Philippe Charlot et Alexis Chabert laisse sur les fesses. À tel point qu'on se fiche pas mal qu'Alvin, guitariste à la retraite, parvienne à retrouver Cornélius, prodige de la trompette disparu cinquante ans plus tôt : le voyage est trop exaltant pour qu'on se focalise sur sa destination. Nirvana – Tome 1 (Soleil) Scénario : Jean-Luc Istin Dessin : Arnaud Boudoiron Jean-Luc Istin est, à l'instar de Morvan ou Corbeyran, de ces scénaristes pour lesquels on éprouve autant d'affection que de méfiance. La faute à leur hyperactivité, responsable de pas mal de projets fadasses. Fadasse, Nirvana ne l'est pas, bien que n'y apparaisse l'avaleur de fusils le plus célèbre de Seattle. Le Nirvana en question est en fait le nom d'une drogue aiguisant la perception par voie de dispersion moléculaire. Or dispersion rime avec disparition. En l'occurrence celle de la bombastic Mya, survenue au terme d'un trip extrasensoriel et que son fonctionnaire de mari va tenter d'élucider en signant chez les Stups. On n'en dira pas plus pour préserver l'inventivité de ce premier volume à la croisée du polar, de la science-fiction et du super-héroïsme. Sachez juste qu'il se dégage de ces illustrations d'une majesté nord-américaine comme de la vélocité de son action, l'enthousiasme communicatif qui fait les bons blockbusters. Abélard – Tome 1 (Dargaud) Scénario : Régis Hautière Dessinateur : Renaud Dillies À quoi reconnait-on un chef d'œuvre du neuvième art en devenir ? À l'envie qui vous prend, une fois les présentations effectuées, d'en acquérir tous les exemplaires en circulation en vue d'être le seul à en connaître les vertus. Avec cette histoire de poussin enjoint par son chapeau-distributeur de leçons de vie à décrocher la Lune, seul cadeau à même de lui attirer les faveurs de la belle Épilie, Régis Hautière et Renaud Dillies ont fait plus fort. Il nous a en effet suffit d'un coup d'œil sur la couverture du premier tome d'Abélard, sur ses couleurs doucement automnales et ses traits à la précision de gravure à l'eau-forte pour être pris de ce sentiment exclusif. On exagère à peine : en matière d'anthropomorphisme animalier, on n'a rien lu d'aussi enchanteur et digne de figurer dans la sélection du festival d'Angoulême que ce conte philosophique depuis De capes et de crocs et Georges Frog. Svoboda! - Tome 1 (Futuropolis) Scénario : Kris Dessin : Jean-Denis Pendanx On a beau connaître le goût prononcé de Kris pour les mouvements sociaux (Un homme est mort) et les drames historiques (Notre mère la guerre) et sa capacité à en extraire la substantifique moelle narrative, à chaque fois on se fait avoir comme des bleus : on attend le projet de trop, celui qui le verra verser dans le bolchevisme bas du front et le pédantisme historique, et paf, c'est d'un bijou d'humanisme et de didactisme qu'il accouche. Des compliments que méritent amplement Svoboda!, ambitieuse plongée, sous la forme d'un carnet de guerre imaginaire, dans les tourments du XXe siècle naissant sur les traces d'une légion tchèque condamnée à l'exil en attendant que des décombres de l'Empire austro-hongrois surgisse la Tchécoslovaquie. De la documentation, du souffle et de l'humour, rien ne manque, pas même la mise en images lyrique et vintage, courtoisie du talentueux Jean-Denis Pendanx. L'oublié du mois Beauté – Tome 1 (Dupuis) Scénario : Hubert Dessin : Kerascoët (Marie Pommepuy et Sébastien Cosset) Ça devait arriver. À mesure que nous approchions des hautes sphères de la critique d'art séquentiel, synonymes de piles de bande dessinées babéliennes et de choix cornéliens, il était évident qu'un jour ou l'autre nous oublierions de vous relayer un coup de cœur. Il a fallu que ça tombe sur Beauté, la nouvelle série des auteurs du piquant et attendrissant Miss Pas Touche, pourtant parée de tout le nécessaire à l'accession au sommet d'une sélection telle que la nôtre. À commencer par son fond, le titre contant le cruel destin de Morue, laideron méprisé qu'une pas-si-bonne fée va faire passer pour la plus belle femme jamais enfantée, au point d'allumer chez ses courtisans d'irrépressibles pulsions sexuelles et chez ses rivales de toutes aussi irrépressibles envies d'immolation. La forme, elle, est à la hauteur de ce qu'on attend des Kerascoët, couple à la ville comme à l'atelier : racée, moderne et intergénérationnelle. Et aussi... Le Chant de la machine (Manolosanctis) : Réédition augmentée (notamment d'une préface de Daft Punk et d'une dizaine de playlists) de l'ouvrage de référence de David Blot et feu Mathias Cousin sur la culture électronique. De témoignages réels en anecdotes plausibles, Le Chant de la Machine foudroie par son érudition et son élégance fanzinesque. Konungar – Tome 1 (Glénat) : Premier volet d'une trilogie nordique qu'on prédit magistrale. On le concède, on ne prend pas un gros risque au vu du sujet (une querelle d'héritiers sur fond d'invasion de centaures) et de son traitement visuel, d'une splendeur à ressusciter Stendhal pour lui refaire goûter le syndrome portant son nom. Cartigan – Livre premier (Akiléos) : Saturé, le marché de la traduction de productions anglo-saxonnes de qualité ? Akiléos dément avec ce récit qui, sous ses airs d'énième repompe de La Planète des singes et Kamandi (un monde dominé par des boucs humanoïdes, un esclave humain en fuite), déploie une fantaisie et une rugosité évocatrices de la grande époque de Metal Hurlant. Tonoharu (Le Lézard Noir) : Saturé, le marché de la traduction de productions anglo-saxonnes de qualité ? Le Lézard Noir dément aussi avec ce roman graphique qui, sous ses airs d'énième autobio en terre inconnue (le Japon provincial et ses verrous sociaux), cerne la solitude et l'incommunicabilité avec une retenue évocatrice du Lost in Translation de Sofia Coppola. L'Intrus à l'Étrange (La Boîte à Bulles) : Un jeune homme hérite d'une valise close et d'une boîte truffée de lettres d'amour et se met en tête de les remettre à leurs propriétaires. De ce pitch convenu comme un film de Jean-Pierre Jeunet, Simon Hureau tire un captivant thriller campagnard, où secrets et superstitions s'entrechoquent dans un noir et blanc d'une belle humidité.

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