La coïncidence est étrange. Ou pas. À l'heure où la mitraille a redoublé sur une partie de leur territoire sans véritables frontières, les tirailleurs touaregs de Tinariwen, eux-même jadis combattants au sens propre de leur cause et de la liberté, ont remisé, à l'inverse de Dylan en son temps, l'hostilité électrique au profit de l'apaisement acoustique. Manière de déposer les armes ? D'en changer à la limite, le temps d'une parenthèse. Et depuis les débuts de l'existence de Tinariwen leur musique est toujours née sur un coin de bivouac, un instrument acoustique à la main, avant d'être tout autant électrifié qu'électrisé. À l'origine du projet Tassili, l'achat d'une guitare espagnole par Ibrahim Al Alhabib, à l'origine de la plupart des chansons de l'album, comme une clé vers de nouvelles possibilités d'expression de son propre folklore, mais pas que. Esprit d'ouverture et aura internationale obligent, les hommes sans pays (l'accès au Nord Mali, leur territoire traditionnel, leur est interdit), ont vu débarquer quelques invités de prestige échappés de Wilco ou de TV on the Radio. Sûrement pas un hasard. Car ce qui surprend le plus à l'écoute de Tassili, enregistré sur les contreforts du massif montagneux algérien de Tassili N'Ajjier, c'est la puissance et la modernité pop qu'il dégage derrière la tradition. Et qui contribue à obscurcir encore un peu plus l'énigme Tinariwen : celle de types qui vivent dans le désert à l'écart de tout et sont probablement les acteurs les plus innovants d'un blues qui n'a jamais été aussi vivant et combatif que dans leurs mains et leurs voix. Comme si le retour à la source d'une oasis égarée le plongeait dans une salvatrice fontaine de jouvence. Pour le concert, on viendra en maillot de bain. SD
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