La Double inconstance

Théâtre / À la Croix-Rousse, un jeune duo de metteurs en scène s’attaque aux deux premières parties de la Trilogie de la Villégiature signée Goldoni. Un spectacle inégal qui alterne bonnes surprises et trous d’air. Nadja Pobel

Un petit groupe bourgeois trépigne à Livourne. Ils doivent partir dans l’après-midi pour la campagne, passer l’été dans leur villégiature. Mais rien ne va plus ; ils n’ont plus assez d’argent et s’accusent tous de dépenser maladroitement ce qui leur reste. Les filles, de véritables précieuses ridicules, se font concurrence pour savoir qui est la plus belle ; les hommes s’arrachent les convoitises de l’une ou l’autre en paradant. Bref, tout n’est qu’absurdité, nonchalance et frivolité de la part de ces jeunes gens qui se veulent plus grands qu’ils ne sont en rêvant d’aristocratie. Jouée pour la première fois à Venise en 1761, cette pièce en trois parties (mais il est rare qu’elle soit montée dans son intégralité – Giorgio Strehler l’avait fait en 1979, Alain Françon le fera au Français en janvier) est d’une actualité glaçante encore aujourd’hui dans ce monde en crise où il est manifeste que les préoccupations des plus aisés sont à mille lieues de celles des moins chanceux. Deux siècles et demi plus tard, le texte n’a rien perdu de son mordant. D’autant plus que dans la deuxième partie, les protagonistes s’ennuient ferme dans leur propriété, passant d’un mode comédie de mœurs à une tragédie tchékhovienne oppressante ; enfermés comme hier dans la datcha de La Cerisaie ou aujourd’hui sur une île paradisiaque et sépulcrale. 

Les Provinciaux

Thomas Quillardet et Jeanne Candel ont eu la bonne idée de coincer leurs personnages en ras de scène dans la première partie afin de les faire se bousculer au cours de ces préparatifs laborieux, avant d’ouvrir grand l’espace sur des murs nus pour figurer la campagne. La première surface trop étroite fait place à une autre trop grande dans laquelle les acteurs se perdent, fidèle en cela à l’esprit du dramaturge italien. Mais les deux acolytes enlaidissent la pièce d’un décor de bois brut peu soigné et surtout de costumes aux tissus volontairement atroces. Cette touche de modernisme tombe à côté et souligne inutilement le manque de goût de ces bourgeois trop sûrs d’eux. Mais plus troublante est l’inconstance de la distribution. Si les filles sont d’efficaces pimbêches, le futur mari mal-aimé un énergique énervé et le père un excellent chef de troupe esseulé (Olivier Achard), l’imposteur et l’amant sont transparents. Difficile de croire à leurs personnages, notamment au dernier, mollasson, dont on se demande bien pourquoi la fraîche Giancinta n’arrive à s'en départir.

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