Le paradoxe Donoma

Réalisé avec 150€ selon son réalisateur Djinn Carrénard, Donoma est en train de provoquer un mini-séisme dans le cinéma français ; comme si le scandale n’était pas de jeter des millions d’euro par les fenêtres dans des navets honteux, mais de tourner en autoproduction et en dehors des règles corporatistes… Christophe Chabert

L’événement de la semaine en matière de cinéma français à Lyon, ce n’est pas la sortie avancée des Lyonnais, mais bien celle de Donoma, dans une salle ayant eu le courage d’accueillir ce film produit, tourné et distribué en dehors des clous. Les clous, c’est une profession et l’organisme qui la contrôle, le CNC, qui freinent des quatre fers l’émergence d’un cinéma indépendant en France. Son mécanisme redistributif, forgé à l’époque de Jack Lang, a permis de "sauver" le cinéma français, ou tout du moins d’échapper aux crises que tous les cinémas européens ont connues. Mais le CNC est aussi une instance de régulation de la distribution. Aucun long-métrage ne peut sortir sans le précieux sésame que constitue son visa ; on se souvient de l’incident créé par Éric Rohmer avec L’Arbre, le maire et la médiathèque, dont il avait d’abord tourné un "brouillon" en 16 mm sans demander l’aval du CNC, puis qu’il avait décidé de sortir tel quel. Rohmer avait donc distribué le film lui-même, en direct avec les exploitants. Mais c’était Rohmer…

Un réalisateur en «guérilla»

Djinn Carrénard, lui, n’est personne. Et pourtant, vingt ans après, son premier film, Donoma, vient à son tour bousculer les règles. Autoproduit, sans aucun technicien, avec des acteurs professionnels mais bénévoles, il n’a pas l’apparence du film de potes tourné pour s’amuser par des gens qui veulent faire du cinéma. Il est, malgré ce qu’en dit Carrénard dans son «manifeste», trop long, ce qu’un producteur aurait pu faire remarquer sans hostilité envers le cinéaste. Mais c’est un film, un vrai, avec ses erreurs et ses défauts, ce qui est le propre des premières œuvres. C’est bien son existence qui pose problème à une profession verrouillée dans son corporatisme. Or, le numérique ouvre la voie à des aventures personnelles écrites et tournées par des gens motivés par leurs histoires, plutôt que par l’argent et le "prestige". La force de Carrénard, malgré ses déclarations tonitruantes et contre-productives («L’inspiration se trouve dans les transports en commun, pas dans les cafés branchés»), c’est d’avoir juste cherché à faire un film de son temps et de son pays, pas une imitation sans moyen du cinéma américain. Attitude payante : Donoma a été acheté par arte et bénéficiera de l’aide à la distribution du CNC. Un moyen d’éteindre l’incendie ou une vraie brèche dans le système français ?

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Mercredi 16 novembre 2011 De Djinn Carrenard (Fr, 2h13) avec Emilia Derou-Bernal, Sékouba Doukouré…

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X