De Cédric Kahn (Fr-Can, 1h50) avec Guillaume Canet, Leila Bekhti...
Antidote absolu au pensum mélodramatique de Philippe Lioret Toutes nos envies, Une vie meilleure marque le retour au premier plan de son cinéaste, Cédric Kahn, qui signe ici son meilleur film. Yann (Canet, incroyablement bon, ce qui n'était pas gagné), cuistot dans une cantine scolaire, rencontre Nadia (Leïla Bekhti, définitivement une des actrices passionnantes du cinéma français), serveuse dans un restaurant chic. Coup de foudre. Elle a déjà un enfant, lui rêve d'avoir sa propre affaire. Ensemble, ils achètent une grande maison en forêt qu'ils retapent pour en faire un restau cosy, mais les normes draconiennes, le piège des crédits et les banques intraitables les plongent dans la précarité. Kahn raconte ce premier acte avec une sécheresse de trait implacable : collant aux objectifs de ses personnages et à leurs actions, laissant des ellipses béantes dans la narration pour éviter tout schéma explicatif, il crée une sensation d'urgence proche du cinéma des frères Dardenne. Lorsque le couple se sépare et que le récit se recentre sur Yann et l'enfant, le cinéaste arrive à conserver ce regard à la fois empathique et coupant, emmenant son film dans des directions inattendues : à la lisière du film noir (grand moment de suspense autour de l'agression d'un marchand de sommeil), dans une vacance entre Pialat et Rozier (superbe parenthèse au bord de l'océan), vers un road movie façon Nouvel Hollywood... Ni indigné, ni accablé, Kahn donne à son geste de cinéaste une tournure simplement politique, n'oubliant jamais que c'est d'abord la mise en scène qui fonde un propos sur le monde actuel. Un excellent film ! Christophe Chabert