Puccini plus, ni moins…

Savoureuse idée que ce festival "Puccini Plus" à l'Opéra de Lyon, marathon de trois semaines où l'œuvre du compositeur est confrontée à celle de ses contemporains, dessinant un début de XXe siècle foisonnant d'idées nouvelles. Entretien avec le directeur de l'Opéra Serge Dorny et présentation des œuvres et de leurs metteurs en scène. Pascale Clavel

Serge Dorny, le directeur de l’opéra de Lyon, a une marotte, une obsession bienvenue pour les mélomanes lyonnais. Il aime l’idée du Festival, cette concentration musicale pur jus, ce plongeon total dans une esthétique précise. Pour cette saison, il a choisi des lectures doubles et triples d’un début de XXe siècle où tout était possible. Un Puccini méconnu tout d’abord parce qu’en choisissant Il Trittico, Serge Dorny nous fait découvrir trois œuvres courtes rarement données sous leur forme pleine et originelle. Et puis un Puccini confronté à ses confrères contemporains à l’écriture toute nouvelle. Dans l’interview qui suit, Serge Dorny défend bec et ongles l’idée d’un seul chef d’orchestre pour l’ensemble du Festival. Seulement voilà, Lothar Koenigs vient de déclarer forfait quelques jours avant la première. Dorny a donc choisi… deux chefs dans l’urgence. Gaetano d’Espinosa dirige le Triptyque et Bernhard Kontarsky sera à la baguette pour les autres œuvres. Espérons que la multiplication des chefs aura le même effet que la multiplication des pains : un vrai miracle !

Comment vous est venue cette idée de confronter trois œuvres assez confidentielles de Puccini à des œuvres de la même époque mais à l’écriture si différente ?
Serge Dorny :
J’ai voulu que ce festival montre tous les contrastes du début du XXe siècle. On a ces trois œuvres de Puccini qui sont écrites dans un langage du XIXe sur des thèmes propres au XIXe. Et en face, on a des compositeurs d’expression très différente, appartenant à un langage germanique mais qui vont tester chacun à leur manière de nouvelles voix. Zemlinsky est un compositeur de transition, il se trouve un peu entre Mahler et Schoenberg. Schoenberg, est un compositeur clé du dodécaphonisme qui écrit une comédie, Von Heute auf Morgen. Enfin, Hindemith, la voix la plus solitaire, le compositeur le moins connu des trois peut-être. J’ai voulu évoquer cette période d’effervescence créatrice entre d’une part les traditionalistes et d’autre part ce nouveau monde où plein de voix sont possibles.

Comment avez vous mis en relation ces duos improbables ?
C’était intéressant de voir comment des œuvres pouvaient dialoguer. D’abord, Il Trittico n’est pas un opéra au sens traditionnel. On a trois volumes, trois titres mais on n’a pas trois actes. Les trois œuvres appartiennent au Trittico mais il n’y a pas de lien dramaturgique ni de lien au niveau du contenu. Il Tabarro est un mélodrame qui parle de l’inconstance amoureuse, qui met en scène trois personnages, deux hommes et une femme ; Suor Angelica est une tragédie religieuse : une femme est mise dans un couvent par sa famille parce qu’elle est enceinte ; quant au dernier volume, Gianni Schicchi, c’est une comédie qui a pour objet la falsification d’un testament. Puccini a voulu que les trois œuvres soient réunies mais la plupart du temps elles sont données indépendamment. Il est très rare que Il Trittico soit donné dans son intégralité.

Quant au parti pris de donner toute la direction musicale à un seul chef…
Vue la complexité d’un festival, vu que l’on travaille avec un orchestre, avec des chanteurs, avec un même chœur pour toutes les productions, il est très important d’avoir une seule signature musicale sur l’ensemble pour donner une cohérence artistique. C’est pourquoi je voulais confier la direction à un seul chef d’orchestre, Lothar Koenigs. C’est également important sur le plan purement pratique : Un Festival Puccini, ce sont six productions qui ont besoin d’être planifiées. S’il y a plusieurs signatures, il peut y avoir quelques tiraillements. Dans une même soirée, le public va entendre deux œuvres courtes dans des univers très différents. Il est important de toujours donner une cohérence artistique. En ce qui concerne la mise en scène, c’est un peu différent. Pour Il Trittico, je n’ai voulu qu’une seule signature : David Pountney. Pour les œuvres de Schoenberg, Zemlinsky et Hindemith, j’ai donné ma confiance à des metteurs en scènes différents parce qu’il n’y a pas de cohérence entre une œuvre et une autre. Il n’existe pas de dramaturgie commune entre Sancta Susanna de Paul Hindemith et Suor Angelica de Puccini. Par contre, j’ai donné l’ensemble des décors à un seul décorateur, les éclairages à un seul éclairagiste parce que nous ne sommes pas un théâtre de répertoire. C’est un travail herculéen mais palpitant que de présenter ce Festival Puccini Plus. J’espère que le public sera heureux de découvrir ces courts chef-d’œuvres.  

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