Le Lamento d'Arianna

À quelques encablures de Lyon vit Arianna Monteverdi : une chanteuse et musicienne country-folk, dont la grâce, la voix et les douces lamentations portent en elles une mélancolie revenue aux sources-mêmes de cette musique du désarroi. Stéphane Duchêne

«Jolene, I'm begging of you please don't take my man / Jolene, please don't take him just because you can». En remplaçant le prénom de Jolene par celui du destin, la mythique Ariane, abandonnée par Thésée sur l'île de Naxos, aurait pu faire siens ces vers du célèbre refrain de la reine de la country Dolly Parton. Refrain éternel de la jeune femme qui voit partir l'être aimé, la laissant comme deux ronds de flan avec son désespoir et ses lamentations. Celui-là même qui inspira à Monteverdi son Lamento di Arianna, seule pièce restante d'un opéra consacré à la demi-sœur du Minotaure, et à Dolly Parton des centaines de chansons d'amour blessé.

À la croisée de la diva du Tennessee, du compositeur italien et du lamento de l'amoureuse, on trouve Arianna Monteverdi, dont on vous fera du coup la grâce de préciser l'origine du nom de scène. La belle s'appelle en réalité Ariane, vit dans la campagne du sud de l'Ain, et constitue un trésor musical injustement caché. De temps à autre, elle se produit à Lyon (ou ailleurs) avec sa guitare ou son autoharpe [l'équivalent américain de la cithare autrichienne, utilisé dans la musique bluegrass, NdlR] et dégaine, au gré de chansons malheureuses comme les pierres mais belles comme le jour, une voix à dégeler un cœur froid, à enterrer les Jolene, à faire revenir les Thésée.

Mélancolie

De l'Ariane de Monteverdi, elle dit ce qu'elle dirait de la musique «old-time» américaine : «Il y a là tout un univers qui me plaît : celui de l'amour et du surgissement de quelque chose d'injuste avec lequel il faut faire, parce que c'est la vie». Pianiste dès l'âge de 6 ans, et élevée au son des disques de Bob Dylan, Joan Baez ou Buffy Sainte-Marie, elle «vole», dix ans plus tard, la guitare maternelle pour se mettre au folk.

Quant à l'indispensable claque originelle, elle survient en la personne de la sus-citée Dolly Parton : «même si c'est un peu cliché de dire ça, sa découverte a été un déclic pour moi. Elle vient des montagnes, fait de la country, mais elle a toujours eu une manière d'arranger ses chansons qui fait qu'elle sort vraiment du lot».

Et Arianna de plonger alors corps et âme dans l'univers parallèle de la musique traditionnelle américaine, dont elle a une connaissance encyclopédique : «À partir du moment où j'ai mis un pied là-dedans, je me suis mise à écouter aussi bien des types qui jouent du banjo en sortant de la mine que des chanteuses comme Patsy Cline ou Bobby Gentry, les chansons des cow-boys, les crooners à la Roy Orbison. Ça faisait écho à tous les westerns que j'avais vus enfant. La scène de Rio Bravo où Dean Martin chante avec Ricky Nelson fait partie des choses qui m'ont vraiment imprégnée». 

Ça et une certaine inclination à la mélancolie qui sied généralement à cette musique et que le vibrato dollypartonien d'Arianna restitue avec une grâce frissonnante: «la musique, c'est là où je vais quand j'ai envie de me retrouver. C'est un cercle vicieux et un exutoire. J'écris sur des choses que j'ai vécues. La difficulté c'est de ne pas se perdre dans cette mélancolie. Mais le fait que ce soit aussi le propre de cette musique m'a un peu déculpabilisée d'écrire des chansons tristes».

Contemplation

Arianna qui dit jouer dès qu'elle le peut, n'a pourtant pas encore livré d'album et fait les choses en douceur, pour ne pas dire en lenteur : «il y a quatre-cinq ans j'ai commencé à avoir envie de partager mes chansons. Mais il s'est encore passé deux ans avant que je fasse des concerts, et encore, ça reste assez sporadique, ajoute-t-elle en un sourire rayonnant d'auto-dérision. Il faut que je fasse les choses de manière un peu plus carrée. J'ai pas mal de nouveaux morceaux qui n'ont pas encore été enregistrés. Mais bon c'est pour bientôt».

À la question de savoir s'il y a là, quelque part, la peur de se jeter à l'eau pour de bon, Arianna, pourtant pleine de projets – un girls band 60's avec ses amis lyonnais de la North Bay Moustache League, une tournée en Bretagne, plusieurs sessions d'enregistrement – avance l'excuse, bien légitime, de la vie de famille et de ses obligations. Puis finit par avouer une certaine tendance à la contemplation qui tendrait à la procrastination : «Je n'ai pas vraiment les pieds sur terre pour certains trucs, se mettre complètement à quelque chose est compliqué pour moi, je peux laisser passer comme ça une espèce de flottement».

Ce genre de flottement qui a vu Ariane laisser partir Thésée mais qui fait aussi le charme éthéré de la musique d'Arianna Monteverdi : ce renoncement à l'urgence, cette soustraction à toute contrainte temporelle, cette volonté de laisser la vie s'écouler comme une complainte, un doux lamento qui aurait le bon goût de ne jamais finir.


Arianna Monteverdi

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