On avait découvert Mariee Sioux Sobonya alias Mariee Sioux, par la grâce – à tous les sens du terme – de son amie d'enfance Alela Diane, qu'elle accompagnait sur scène lors de sa première tournée, tout en assurant ses premières parties, seule à la guitare. Puis avec Faces in The Rocks, album de folk animiste comme un hommage à la musique de ses ancêtres maternels Paiute (et non Sioux, comme pourrait l'indiquer son deuxième prénom). Après un double 45t en duo avec Bonnie 'Prince' Billy enregistré par Jonathan Wilson (deux chansons originales, deux reprises), la fille de Nevada City, étoffe son registre, plus orchestré, moins incantatoire mais toujours étourdissant, sur Gift for the end. Un album, qui comme son auteur, également d'ascendance polono-hongroise par son père, joueur de mandoline et hispanique par sa mère, est aux croisements de la musique américaine, mêlé de psychédélisme doux et porté par une voix qui parle aux esprits – en tout cas les nôtres.
Dans un registre totalement différent, Liz Green viendra finir de démontrer à quel point la musique folk est une matière protéiforme. En quelque sorte, elle est l'anti-Mariee Sioux : rousse britannique aux airs de Nanny victorienne, quand la première est une belle des champs aux cheveux sombres, Liz Green est une souris déglinguée par la vie (une sale maladie de peau), longtemps abonnée aux drogues. En ressort, avec O Devotion, des chansons chancelantes comme le cœur d'un marin, quelque part – mais où ? – entre la tristesse de Karen Dalton et l'ivresse d'un Tom Waits, la country des Appalaches et un folk qui irait de l'Atlantique à l'Oural. Ce sera tout le charme de cette soirée que de nous donner accès à deux définitions si éloignées de ce qu'est la grâce qu'elle finissent par se regarder en miroir.
Stéphane Duchêne