Après "Cascadeur" l'an dernier, Rover est sans doute la révélation pop française de cette année. Un ovni romantique et bowie, dandy et bestial qui devrait envoûter par sa seule présence, les spectateurs du festival Changez d'Air. Stéphane Duchêne
Pour évoquer les «géants de la pop», on peut utiliser comme seul critère le gabarit et avoir de très beaux résultats musicaux : que l'on songe à Brian Wilson des Beach Boys (qui n'aurait jamais pu tenir sur un surf), Antony (qui derrière sa voix de vieille blues woman a la taille d'un buffle) et aujourd'hui Win Butler d'Arcade Fire (fameux joueur de basket) ou Sébastien Tellier (le Christ version Pépitos).
Bien entendu cela exclut nombre de crevettes comme Brian Jones, Bob Dylan, David Bowie, Neil Hannon mais fort heureusement, l'important, comme le disait si justement un jour Amanda Lear, ce n'est pas la taille, c'est le goût.
Alors oui c'est vrai, ce qui frappe en premier chez Rover, Timothée Régnier de son vrai nom, c'est cette masse pareille à celle d'un trou noir sur pattes, combattant lettré ou écrivain romantique de combat qui aurait fait le tour du Monde et en porte le poids sur ses larges épaules voûtées.
En ce qui concerne Rover : de la Suisse aux États-Unis, en passant par le Liban, d'où il fut expulsé en 2006 pour atterrir en Bretagne. Le tour du monde des disques aussi : de Bowie aux Beach Boys, de Dylan aux Beatles. Le Big Four.
Plein de grâce
C'est sans doute ce qui explique que Rover, plus «vagabond» que bagnole de luxe, ne passe jamais en force tout au long d'un disque prodigieux à l'élégance jamais feinte (arrangements luxueux mais enregistrement en analogique dans les conditions du live).
Bowie est, avec sa taille de guêpe, la référence la plus évidente. Et quand on dit Bowie, on veut dire tous les Bowie, toutes périodes confondues, le freak comme le crooner, le rocker comme le chercheur de tendances.
Il en a la voix élastique, donnant parfois l'impression de flotter dans l'espace (oddity), capable de côtoyer les aigus un peu geignards sur Champagne aussi bien que gracieux et Lennoniens sur Lou (son A day in the life, son Jealous Guy) et les graves les plus frissonnants.
L'avant-dernier titre de l'album, Full of Grace, résume bien par son titre l'ensemble du disque tout en évoquant, en même temps qu'une BO de films de zombies – ce que Bowie pourrait faire de mieux aujourd'hui s'il nous donnait quelque nouvelle – à supposer que sa santé le permette.
Mais de sa maison de Suisse, l'ex-Thin White Duke, toujours attentif aux mouvements de la jeune génération, doit sûrement entendre les échos de ce monstre musical qu'il n'aurait pu lui-même, même à ses plus grandes heures, imaginer. Et se dire qu'il tient là un fils spirituel de taille. Un Thick White Duke.
Rover + François & The Atlas Mountain
À l'Escale, jeudi 3 mai
Festival Changez d'air
À Saint-Genis-les-Ollières, du 2 au 5 mai