Au procès intenté contre la version de Oh les beaux jours présentée par Marc Paquien, il n'y aura qu'une seule acquittée : Catherine Frot. La comédienne, que l'on n'avait pas vue depuis plusieurs années sur les planches, prend un plaisir immense (et communicatif) à jouer Winnie, cette femme qui s'enlise inexorablement, face à un interlocuteur muet la plupart du temps. Avec un mélange de candeur et d'ironie lucide, Frot fait merveille en personnage tragi-comique, digne quand il n'y a plus rien à sauver, gaie jusqu'au dernier souffle. Si l'on retrouve dans Oh les beaux jours des thèmes chers à Beckett : la faillite du langage, le dépérissement des corps, la répétition sans but et sans issue, on est clairement ici du côté de la vie.
Du côté des accusés, on retrouvera en premier lieu Marc Paquien. Le metteur en scène aurait pu se contenter d'un fort soupçon d'emploi fictif, considérant que son travail se réduit ici à la portion congrue : asseoir Catherine Frot sur une chaise et appliquer à la lettre les indications de l'auteur. Malheureusement, dès le lever de rideau, on penchera davantage vers une association de malfaiteurs où s'illustre notamment le décorateur Gérard Didier qui propose, en fond de scène, une toile peinte (!) et sur le plateau, une sorte de rocher / huître géante en carton où l'on distingue des amas de mousse de rembourrage, du meilleur effet.
Chez Beckett, le personnage de Winnie sombre, enterré jusqu'à la taille puis jusqu'au cou. Chez Marc Paquien, on imagine, tout au long du spectacle, Catherine Frot sagement assise.
Dorotée Aznar
Information Le Petit Bulletin :
Suite à la publication de cet article, le metteur en scène de Oh les beaux jours, Marc Paquien, a souhaité réagir, vivement choqué par l'utilisation des termes «emploi fictif» et «association de malfaiteurs» associés à son travail.
Comme il a tenu à le rappeler, Marc Paquien n'a pas bénéficié d'un «emploi fictif», mais a fourni un travail réel, «que l'on peut juger bon ou mauvais», sur l'œuvre de Samuel Beckett.
Nous souhaitons également souligner que ces termes ne sont bien évidemment pas à prendre au premier degré (Marc Paquien n'ayant légalement rien à se rapprocher !). Il n'y a donc ni "emploi fictif", ni "malfaiteur" dans Oh les beaux jours, et nous présentons nos excuses à ceux qui ont pu être blessés par nos propos.