Soulages, de la Grotte Chauvet à aujourd'hui

Soulages, XXIe siècle

Musée des Beaux-Arts

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Pierre Soulages expose à Lyon une trentaine d’œuvres récentes dans plusieurs salles du Musée des Beaux-Arts aux mises en espace somptueuses. Soulages, un contemporain intempestif. Jean-Emmanuel Denave

Un artiste vivant, des œuvres réalisées entre la fin des années 1990 et août 2012, un titre-manifeste tracé en grandes lettres blanches « Soulages, XXIe Siècle »… Non, nous ne sommes pas au Musée d’Art Contemporain (qui de son côté expose un artiste disparu, John Cage, à la musique certes avant-gardiste en 1950 mais aujourd’hui un peu avariée), mais bel et bien au Musée des Beaux-Arts. Au-delà de l’aspect drolatique, le message est sans doute «politique» : nous, Musée des Beaux-Arts, secouons notre poussière et faisons peau neuve, innovons dans le mécénat 3.0 (le club Poussin réunissant aujourd’hui un grand nombre d’entreprises), et donnons de vigoureux coups de pied dans la fourmilière passéiste et provincialiste !

À cela, on ne peut qu’applaudir et rappeler que Sylvie Ramond, depuis sa nomination à la direction du MBA, a impulsé nombre d’expositions passionnantes (Le Plaisir au dessin, Repartir à zéro, Bram et Geer Van Velde…)… Mais, qu’en conférence de presse, celle-ci et Eric de Chassey (co-commissaire de l’exposition) insistent sur un Soulages artistiquement ultra contemporain, innovateur en diable, se renouvelant quasiment de but en blanc à chaque chant du coq, c’est peut-être un peu trop !

Non, chers lecteurs, Soulages est un peintre qui s’avère parfois ennuyeux, toujours ultra répétitif, arc-bouté sur fort peu de choses (du brou de noix à l’acrylique noire sur du papier ou sur toile pour aller vite), obsessionnel à souhait… Et c’est là justement qu’il devient intéressant, voire génial : dans cette capacité à broyer inlassablement du noir sur une surface plus ou moins importante tout en y insufflant d’infimes variations, parfois seulement quelques accrocs, perturbations, stries, diagonales intempestives… Différence dans la répétition, fêlure événementielle dans le même.

De l’obscurité…

Il était d’ailleurs amusant d’entendre Soulages en personne, après sa présentation sous son faciès le plus contemporain par Eric de Chassey, se référer aux peintres de… la Grotte Chauvet ! «Ils allaient dans l’obscurité des grottes peindre avec du noir, ça mérite qu’on y réfléchisse. Il faut voir l’histoire de l’art sur un temps plus large que celui des musées, réduit en général à quelques siècles seulement». Oui, il y a 34 000 ans environ, il y avait des Soulages en Ardèche et cela mérite effectivement quelques mises en perspective.

Pour autant, Soulages appartient bel et bien à notre époque, et s’inscrit dans des problématiques artistiques contemporaines. Il le précise lui-même en insistant sur son intérêt (obsessionnel encore) pour l’espace se situant devant la toile, là où prend place le spectateur et où se produisent toute une variété de reflets lumineux, d’expériences subjectives en fonction du point de vue… «Le spectateur est dans l’espace pictural, ce qui implique des rapports à l’espace et au temps nouveaux». Nouveaux par rapport à l’espace en profondeur fictive de la représentation classique, nouveau aussi par rapport aux expérimentations sur la planéité de la toile du modernisme, débutées avec Manet.

...à la lumière

Trois époques "récentes" à différencier donc : la représentation d’avant-hier, la présence matérielle enveloppée sur elle-même d’hier, la présence partagée et disséminée d’aujourd’hui. Reconnaissons donc aux commissaires la contemporanéité de Soulages, mais moins parce qu’il serait un innovateur fou que parce qu’il s’inscrit à l’ère contemporaine de l’installation, de la contagion de l’espace pictural avec son dehors, de la place essentielle dédiée au "regardeur"… D’ailleurs, concrètement, en termes d’installation, de mise en espace et d’environnement sensoriel, l’exposition du musée est très réussie et chaque salle (la première plongée dans l’obscurité, les autres blanches et lumineuses) s’offre comme un véritable univers, un bloc de sensations, une partition rythmée par des changements de formats, de motifs géométriques, par une dialectique fine entre l’unique et le polyptique, la lumière et ses ombres… En bonus, le musée a eu la bonne idée de représenter une série de sept tableaux réalisés pour la Biennale d’art contemporain de Lyon en 1991. Sept toiles presque côte à côte et accrochées dans un espace aussi confiné que puissant en sensations.

Soulages XXIe siècle
Au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 28 janvier

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