Pour une génération de spectateurs, L'Étrange créature du lac noir fait figure de légende. Personne ne sait exactement ce que vaut le film, s'il fait partie de cette catégorie de séries B frappées par le kitsch de ses effets spéciaux et de son monstre ou s'il reste regardable soixante ans après sa réalisation. C'est possible, vu que Jack Arnold est par ailleurs le responsable de quelques œuvres importantes du fantastique, notamment L'Homme qui rétrécit.
En revanche, tout le monde se souvient de la présentation dans les années 80 au cours d'une "Dernière séance" d'anthologie de sa version 3D, qui nécessitait l'acquisition de lunettes stéréoscopiques en carton et filtres de couleur. Car L'Étrange créature du lac noir fait partie de la vague éphémère des premiers films tournés en 3D — vague dans laquelle on trouve aussi L'Homme au masque de cire d'André de Toth et Le Crime était presque parfait d'Hitchcock.
Le procédé n'était pas si différent de celui que l'on connaît actuellement, et il est tout naturel de voir ressurgir des profondeurs de son lagon sombre le monstre dans un relief numérique dernier cri. Au moment où Tim Burton panouille un hommage pépère (et lui aussi en 3D) à la tradition du film de monstres made in Universal avec son Frankenweenie, il n'est pas impossible que cette reprise restaurée et digitalisée ne vienne lui faire de l'ombre dans le cœur des cinéphiles !
Christophe Chabert