A l'occasion de la sortie de "Mothers & Tygers" et de sa tournée qui passe par le Théâtre de Vénissieux ce vendredi, Emily Loizeau s'est confiée sur la genèse de cet album, sa découverte de William Blake, sa maternité et la consolidation de son univers musical. Propos recueillis par Aurélien Martinez.
Comment en êtes-vous arrivée à William Blake ?
Emily Loizeau : Récemment, je suis retombée sur un de ses textes que ma grand-mère me lisait quand j'étais petite. Ça m'a donné envie de me plonger dans ce recueil de poèmes qu'est Songs of Experience. Je le lisais pendant l'écriture de mon disque, j'y ai trouvé beaucoup de résonnance avec ce que j'étais en train de faire.
D'où l'idée de vous exprimer aussi bien en anglais qu'en français...
Depuis l'enfance, je vis avec les deux langues. Et même si, à un moment donné, j'ai eu envie de faire un disque tout en anglais (ce que je ferai sans doute un jour), je crois que j'ai vraiment besoin des deux langues pour m'exprimer pleinement.
Votre nouvel album est très intimiste et apaisé...
J'avais envie de ce moment de confidence, d'intimité – le fait que je me sois isolée dans les Cévennes n'est pas anodin... Ma récente maternité a provoqué un bouleversement intérieur. D'un seul coup, le regard sur l'existence change, tout prend une autre couleur : la transmission, la filiation, la vieillesse, la mort...
On pense forcément à Camille, qui elle aussi a sorti un album où elle évoque la maternité. La croiser sur le titre Marry Gus and Celia semble donc aller de soi...
Il y a une histoire d'amitié à travers ça. On a été enceintes toutes les deux au même moment, nos enfants sont nés à une semaine d'intervalle. Ils ont même échangé leur terme, ce qui était assez drôle. J'ai donc eu envie d'écrire une chanson sur deux enfants qui échangeraient leur âme dans le ventre respectif de leur maman. Et il m'a semblé naturel d'inviter Camille, d'autant plus que je suis une grande admiratrice de ce qu'elle fait.
Que ce soit Camille ou vous, vous êtes toutes les deux des artistes atypiques apparues il y a un peu moins de dix ans en pleine période "chanson française réaliste". Une période pas forcément très riche...
Oui, je m'en sens loin, car ce n'est pas ce qui m'inspire le plus. Mais il y a aussi des gens qui font ça d'une manière qui me touche beaucoup. J'ai moi-même commencé L'Autre bout du monde avec des facettes différentes, notamment issues de cette chanson française avec des titres comme Jalouse ou Je ne sais pas choisir. Mais j'avais toujours une distance un peu absurde dans la manière d'aborder ça. Plus ça va et plus je sens que ça m'inspire moins. Du coup, je me dirige vers quelque chose qui me ressemble plus : une musique influencée à la fois par le classique [elle a étudié le piano étant jeune – ndlr] que par le folk-rock anglo-américain, qui me parle plus aux tripes.