Si l'on devait mesurer la qualité d'un film à la sincérité de son auteur, il n'y aurait aucun doute : 4h44 est un chef-d'œuvre, Abel Ferrara ayant définitivement renoncé à toute volonté de séduction pour une expression spontanée et éminemment personnelle de son art.
En regardant la fin du monde depuis un loft new-yorkais et le couple qui l'occupe — Skye, une jeune peintre, et Cisco, un ancien junkie — Ferrara met en scène ce qui reste de l'humanité quand celle-ci s'apprête à partir en fumée : l'amour physique, les regrets, la colère, la résignation...
L'extérieur, il ne le filme que via des écrans (de télé, de smartphone, d'ordinateur) ou aux fenêtres des voisins dont le comportement, désespéré ou absurdement quotidien, reflète en petites touches impressionnistes cette sensation d'inéluctable.
Le risque de cette démarche anti-spectaculaire, c'est de flirter avec le vide intégral ; c'est flagrant quand Ferrara tente de relancer sa machine par de maigres soubresauts scénaristiques : ainsi de la dispute entre le couple, qui conduit à la seule scène cassant le huis clos (les retrouvailles entre Cisco et son frère amènent ici le film à un quasi-degré zéro de mise en scène), qui se résout aussi vite qu'elle a eu lieu.
On se souvient que, ne pouvant terminer le tournage de New Rose Hotel, Ferrara avait bricolé à la va-vite un dernier acte recyclant sous forme de flashs des images déjà vues au cours du film ; c'est le même sentiment de remplissage que laisse 4h44. Pas par inachèvement cette fois, mais par tarissement d'inspiration.
Christophe Chabert
4h44, dernier jour sur terre
D'Abel Ferrara (ÉU-Fr-Suisse, 1h22) avec Willem Dafoe, Shanyn Leigh...