Dans les années 80, la question asiatique taraude Hollywood. La menace est à la fois économique (de grands groupes industriels japonais lorgnent sur les studios) et esthétique, Tsui Hark commençant à redéfinir les standards des films d'action. Michael Cimino, chez qui la question de l'étranger est centrale trouve dans le script de L'Année du dragon, signé Oliver Stone, de quoi mettre en perspective ce choc annoncé des cultures. Surtout, cela lui offre l'occasion de se remettre en selle cinq ans après le fiasco de La Porte du Paradis.
À sa sortie, L'Année du dragon est accueilli par des polémiques sur son supposé racisme ; s'il y a bien une xénophobie dans le film, c'est celle de son personnage principal, Stanley White, flic d'origine polonaise et ancien du Vietnam — comme un cousin éloigné de De Niro dans Voyage au bout de l'enfer. Pour lui, l'Asiatique est l'ennemi naturel, et sa volonté de faire tomber un parrain du crime à Chinatown est autant un instinct de revanche qu'une volonté de faire appliquer la loi. Un personnage grandiose et ambivalent, formidablement campé par Mickey Rourke, alors en pleine gloire.
Cimino retravaille de son côté les codes du film noir pour leur donner des allures de fresque, insistant sur les cérémonies, les rites et l'opulence chinoises, qu'il détruit par des accès de violence désespérée et rageuse. Un très grand film qui, comme la majeure partie de l'œuvre de Cimino, n'a pas pris une ride.
Christophe Chabert
L'Année du dragon
De Michael Cimino (1985, ÉU, 2h15) avec Mickey Rourke, John Lone...
À l'Institut Lumière, jusqu'au 17 février